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E. BEAUSSIRE.questions de droit des gens

l’échec d’une tentative d’arbitrage. Le point d’honneur subsisterait encore dans ce qu’il a de faux et d’excessif, comme dans ce qu’il a de respectable et de légitime ; mais du moins la guerre ne se refuserait plus aux garanties dont le duel a su s’entourer.

XI

Lorsque la guerre est engagée, il semble qu’elle ne reconnaisse aucun droit. Les droits généraux des États en guerre, les droits particuliers de leurs nationaux respectifs ne subsistent plus. Les frontières sont violées, les propriétés privées dévastées. Nulle existence n’est assurée de respect, puisque le propre de la guerre est de tuer ; nulle liberté, puisque l’on peut faire des prisonniers et retenir des otages. On distingue, il est vrai, entre les combattants et les non-combattants ; mais la distinction devient de plus en plus difficile, par suite du progrès même qui tend à donner à toutes les guerres un caractère national et à y intéresser, dans chaque État, la totalité de la nation. Elle est aussi rendue de plus en plus vaine par le progrès d’un autre ordre qui a accru, dans d’énormes proportions, la portée des armes à feu. La population civile et les forces militaires sont confondues dans les bombardements ; elles le sont également sur les champs de bataille eux-mêmes, dont l’immense étendue embrasse, outre les habitations isolées, des villages et même des villes. La confusion est d’autant plus inévitable, avec le fusil comme avec le canon, qu’on tue de loin et sans viser. Les armes ne distinguent pas ; les belligérants prétendent quelquefois distinguer ; mais ceux qui sont qualifiés de non-combattants n’y gagnent souvent que d’être arrêtés, retenus prisonniers ou fusillés pour participation directe ou déguisée à des faits de guerre.

Nul droit naturel ne subsiste ; il n’y a de place que pour les devoirs naturels qui se résument en un seul mot : l’humanité. La guerre doit être humaine, autant que le permet son devoir propre, qui est de faire le plus de mal possible à l’adversaire, dans l’intérêt même d’une prompte paix. Rien de plus difficile à déterminer que ces devoirs d’humanité dans la guerre. On a cependant essayé de les faire entrer dans des conventions et de fonder ainsi, à défaut d’un droit naturel, un droit positif de la guerre. On a posé certains principes dignes du plus grand respect. Tel est celui qui fait l’objet de la convention de Genève de 1864, pour la protection des blessés et de ceux qui les soignent. D’autres tentatives ont été moins heureuses. Les règles adoptées par le congrès de Paris, en 1856, pour assurer, dans une certaine mesure, le respect de la propriété privée sur mer,