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n’ont pas rencontré une adhésion unanime, et elles sont contestées dans les pays mêmes qui en avaient pris l’initiative. Elles n’intéressent pas proprement et directement l’humanité ; elles ne protègent que certains intérêts matériels, très respectables sans doute, mais qui ne se distinguent que d’une façon arbitraire des autres intérêts livrés sans défense à tous les ravages de la guerre. Puisque la propriété privée, sous toutes ses formes, ne peut être protégée, pourquoi le serait-elle sous une forme particulière ? Pourquoi un avantage serait-il fait au commerce maritime et aux nations dont il fait la principale richesse ? L’inégalité est assez grande entre les États pour que chacun, quand il est contraint de faire la guerre, doive rester libre d’user contre l’adversaire de tous les moyens de destruction et de ruine. Telle est, en effet, l’antinomie de la guerre : ses excès, quand ils ne sont contenus par aucune règle, révoltent les consciences, mais les consciences sont également révoltées, si les règles les plus justes et les plus respectables en elles-mêmes donnent l’avantage aux forts contre les faibles. Nous ne voulons pas prendre parti dans les débats auxquels ont donné lieu ces délicates questions de droit conventionnel dans la pratique de la guerre. Les solutions qu’elles peuvent recevoir sont variables. Elles dépendent des circonstances et de l’importance des intérêts en jeu, non seulement pour les belligérants, mais pour les neutres. En principe, nous sommes pour les solutions les plus humaines et plus modérées ; mais la guerre nous inspire une telle horreur que nous craindrions qu’en s’efforçant d’en adoucir les rigueurs, on ne la rendit moins odieuse.

XII

Dans les traités qui mettent fin à la guerre, le vainqueur n’abuse pas de son droit en imposant au vaincu les conditions les plus propres à en prévenir le renouvellement. Il aggrave sans doute ses torts, s’il a fait une guerre injuste ; mais c’est une considération qui ne concerne proprement que la morale. Pour la morale, une situation viciée dans son origine l’est également dans toutes ses conséquences. Le droit prend chaque situation telle qu’elle est, sans en rechercher les antécédents, à moins que ces antécédents ne soient eux-mêmes son objet direct. S’il traite de l’acquisition d’une propriété, il veut qu’elle ne soit pas entachée d’injustice ; mais, une fois la propriété acquise et lorsque les contestations auxquelles a pu donner lieu son acquisition ont reçu une solution juridique, il lui en assure uniformément les avantages, en faisant abstraction de son origine. De même pour la guerre. Le droit ne l’admet que si elle est juste ; mais, une