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naissances et que la série des actions, capable d’une différenciation presque aussi variée que les phénomènes de discernement eux-mêmes ? Autant de questions d’un haut intérêt que le présent ouvrage ne résout ni ne pose, et dont l’examen semble pourtant le préliminaire obligé de toute recherche sur le développement de la faculté ou des facultés comprises sous ce nom encore mal défini d’émotions.

Tant qu’une classification des phénomènes psychologiques ne sera pas établie, l’évolution de ces phénomènes ne pourra être étudiée qu’en gros, très sommairement. Les monographies elles-mêmes seront difficiles. Pour suivre une série isolée, il faut au préalable l’avoir distinguée des autres et posséder sa caractéristique, ce qui suppose qu’on l’a comparée avec les autres et que sa place dans le fonctionnement de l’esprit est connue. Il est vrai, toute classification est provisoire, les découvertes sur le développement des facultés sont précisément appelées à corriger et à compléter la description systématique. Mais un certain degré d’avancement de chacune de ces deux parties de la science est nécessaire pour le progrès de l’autre : surtout ici où les documents géologiques font défaut, la phylogénèse sera encore pendant quelque temps forcée d’attendre la morphologie.

Il résulte de ce qui précède que l’ouvrage de M. Romanes porte surtout sur l’évolution de l’intelligence, sur l’évolution mentale, comme le dit l’auteur. Tel qu’il est, il apporte à la science une contribution précieuse et par les nombreux faits qu’il relate et par les problèmes qu’il agite. Suivons-le à travers les plus importantes étapes de ce lent progrès : conscience, sensation, mémoire et association des idées, perception, imagination, instinct, raison.

De la conscience. — Pour déterminer le moment où la conscience apparaît, il faut savoir d’abord à quels signes on peut reconnaître sa présence. Si on l’examine du dehors, objectivement, on voit qu’elle a pour première condition l’existence d’une organisation nerveuse, en ce sens qu’elle suppose un ajustement préalable des réponses motrices aux excitations reçues. Elle est ainsi : 1o un instrument de différenciation par rapport aux excitations variées ; 2o un instrument d’adaptation et d’appropriation à la variété des modifications subies, conformément aux besoins de l’être vivant. Les deux caractères forment par leur union ce que l’auteur appelle le choix.

La faculté de discerner les excitations les unes des autres se rencontre très bas dans l’échelle des organismes. Ainsi une actinie placée au milieu du jet bouillonnant qui alimente le bac de l’aquarium s’accoutume vite à être ainsi rudement frappée par le courant et y déploie en sécurité ses tentacules. Si on la touche avec un corps