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ESPINAS.l’évolution mentale chez les animaux

résistant, même très légèrement, elle les retire aussitôt. Cette faculté se trouve même à un haut degré chez des plantes comme le Drosera et la Dionée. Elles ne discernent pas seulement les excitations selon leur intensité ; elles les discernent selon leur nature ou qualité. C’est là la fonction fondamentale de l’esprit. Le raisonnement envisagé du point de vue objectif « consiste en un choix judicieux entre ces excitations extrêmement délicates que sous leur aspect subjectif nous connaissons sous le nom d’arguments. »

D’autre part, l’adaptation se rencontre également chez certains organismes antérieurement à l’apparition de la conscience. L’auteur qui ne s’est pas posé la question de savoir d’où vient la faculté de discernement se demande comment on peut expliquer « le fait que la disposition anatomique d’un centre nerveux et des filets qui en dépendent vient à être celle qui est requise pour diriger ainsi les excitations nerveuses dans les endroits voulus ». Voici sa réponse. « Les voies nerveuses se développent là où elles sont nécessaires, c’est-à-dire par l’usage » (p. 20). « Le tissu nerveux a la propriété de se développer par l’usage dans les directions nécessaires pour de nouvelles utilisations » (p. 48). L’hérédité et la sélection paraissent suivant ce passage ne jouer ici qu’un rôle secondaire et M. Romanes inclinerait plutôt vers l’hypothèse de Lamarck que vers celle de Darwin, à laquelle il se réfère pourtant sans restriction dans d’autres parties de l’ouvrage. Il reconnaît d’ailleurs que « le sujet est encore obscur ». On regrette qu’ayant posé la question qui est au fond celle de la finalité, il ne l’ait pas agitée plus longuement. L’usage développe des fonctions existantes ; mais comment des fonctions utiles nouvelles s’établissent-elles ? Comment des réponses motrices appropriées aux exigences de la conservation ont-elles apparu chez des êtres vivants ? Que des lignes de décharge s’entrecroisant au hasard doivent s’établir sous l’action des excitations, c’est ce qu’il n’était pas peut-être nécessaire d’exposer aussi longuement après Spencer ; il s’agissait de montrer comment celles qui s’établissent se trouvent servir aux fins de la vie. Est-ce la sélection mécanique qui fait le choix ? Est-ce quelque chose comme la finalité, résolument invoquée par Schneider ? L’usage n’est ici qu’un mot fort obscur en effet. Quoi qu’il en soit, la conscience, le mens sort du développement de cette faculté d’adaptation, déjà inhérente à tout organisme, et les plus hautes manifestations de la volonté n’ont pas d’autre origine. La neurilité est donc le tronc commun à partir duquel les principales ramifications des pouvoirs psychiques prennent naissance et il n’est pas surprenant qu’au début la présence de la conscience reste longtemps douteuse, puisque le système nerveux