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la façon de traiter les points particuliers, que la possibilité de la réforme préconisée peut être regardée comme établie, qu’elle n’entraînerait certainement pas un surcroît de travail considérable pour les élèves, qu’enfin, pour tout professeur digne de ce nom, les programmes tracés par M. de Tilly ou par M. Wernicke peuvent suffire, en l’absence d’un ouvrage élémentaire rédigé sur le nouveau plan.

Le travail du géomètre belge aurait d’ailleurs l’avantage, pour un Français, de se référer couramment à un Traité bien connu, celui de MM. Rouché et Comberousse ; il est en outre plus développé et partant plus clair que le programme de M. Wernicke. Celui-ci est au contraire, plus au courant des idées nouvelles de toute sorte et d’un ordre systématique plus facile à embrasser. Mais je lui ferai un reproche spécial.

M. Wernicke a cru à propos de débuter par des considérations générales sur la science, la théorie de la connaissance, la logique et la mathématique, considérée comme une branche de la logique, celle qui s’occupe des représentations dont les éléments (représentations partielles) peuvent se substituer réciproquement les uns aux autres. Il y a là une assez bonne définition de la grandeur, mais, en thèse générale, tout ce préambule, bourré de formules kantiennes, a un caractère abstrait et scolastique qui ne me semble nullement approprié à l’enseignement secondaire, quand même je serais disposé à ne pas contester la valeur du fond.

L’enseignement courant des fondements de la mathématique a, depuis Euclide, l’avantage incontestable d’une clarté et d’une limpidité parfaites ; la rigueur peut laisser à désirer, mais, en tout cas, il n’y a aucune ambiguïté dans les concepts. L’étudiant sait toujours parfaitement de quoi on lui parle et de quoi on ne lui parle pas ; dans les efforts d’intelligence qu’il a à déployer, aucun ne se rapporte à une distinction subtile et obscure, comme toutes celles qui sont indispensables dans la théorie de la connaissance. Si donc l’on veut réformer l’enseignement de la géométrie, il faut bien se garder de lui faire perdre le caractère distinctif de clarté qu’il possède ; il ne faut pas dès lors y mélanger, sous un prétexte méthodologique, des notions qui, de fait, lui sont absolument étrangères et ont au moins le grave défaut de ne pas être immédiatement accessibles. La théorie de la connaissance n’est pas un préambule des études scientifiques ; pour être comprise, elle exige que l’on ait déjà beaucoup de connaissances et des plus variées. C’est un couronnement qui permet de mettre de l’ordre dans le savoir déjà acquis ; ce n’est pas une doctrine qui puisse imposer cet ordre à priori et avant toute acquisition.

Sous ces réserves, je n’ai qu’à louer la tentative de M. Wernicke ; quoique la reforme qu’il propose n’ait d’ailleurs qu’un intérêt purement théorique, il est désirable, à mon sens, qu’elle soit sérieusement essayée, pour qu’on puisse se prononcer sur ses avantages ou ses inconvénients didactiques.