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raine, je veux parler du transformisme. Les lecteurs de la Revue seront peut-être curieux de savoir l’opinion d’un jésuite sur la question.

Dans sa théorie de la cause efficiente le R. P. a établi que la véritable cause efficiente est immobile ; en sa pure essence de cause elle peut donc produire une infinité d’effets toujours égaux à eux-mêmes, toujours inférieurs à la cause et toujours sous sa dépendance. Ainsi les vraies causes sont équivoques. La génération n’est donc pas une vraie cause, car l’acte générateur ne peut produire qu’un seul effet, c’est une cause univoque. De plus, dans la génération, l’engendré peut être plus parfait que sa cause génératrice, aussi bien que moins parfait. La vraie cause est au contraire toujours plus parfaite que son effet. D’où il suit logiquement cette conséquence bien inattendue pour tous ceux qui ne sont pas habitués aux vues et aux déductions métaphysiques, que le transformisme purement mécaniste est inadmissible, car la génération n’est pas une vraie causalité. « La grenouille non seulement ne peut pas être cause du lion, mais elle ne peut pas être, par elle-même et par elle seule, cause de la grenouille. Et pourquoi ? Parce que la cause rigoureusement principale d’un effet doit contenir la raison suffisante de tout ce qui existe dans cet effet ; et par conséquent, la cause vraiment principale de l’individu doit contenir la raison suffisante de toutes les qualités génériques et spécifiques qui sont réunies dans cet individu. Mais comment celui qui est produit, et qui par conséquent n’est pas la raison suffisante de ses propres caractères spécifiques, pourrait-il contenir en soi la raison suffisante de son espèce ? » (P. 627.)

Il faut donc admettre une cause première de l’individu et même de sa loi génératrice, mais il ne suit nullement de là que l’évolution organique n’ait pas pu se produire de la façon que le croient les naturalistes partisans de la théorie de la descendance. Le P. de Régnon ne se déclare pas sans doute partisan de cette théorie, mais il écrit : « Etant donnée la cause première, répugne-t-il que, sous la direction et l’influence de cette cause, la vie organique ait suivi certaines prédispositions de la matière ? Répugne-t-il que toutes les diverses espèces vivantes proviennent de quelques germes primitifs ?

« Je l’avoue franchement, je ne vois en cela aucune répugnance. Sachant que, dans la propagation actuelle des espèces, il faut l’intervention de la cause première, pour que la vie passe d’un individu à un autre, et que le père n’est qu’une cause instrumentale dans la génération ; sachant d’ailleurs que plus la cause principale est parfaite ; plus elle peut obtenir des œuvres grandes et belles avec un outil grossier, et que la cause instrumentale peut être employée à produire un effet plus noble que soi ; je me demande si Dieu, qui conserve actuellement les espèces par le moyen des générations, n’aurait pas pu produire cette admirable variété de formes par la voie qui lui sert à les maintenir.

« Que si, dans les brutes, il n’y a que de la matière organisée, pour-