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ANALYSES.l. carrau. La conscience psychologique, etc.

quoi le doigt de Dieu n’auraît-il pas pu diriger les forces matérielles de manière à ce que cette organisation eût lieu ?

« Que si, dans les animaux, il y a quelque principe qui ne sorte pas de la matière, pourquoi Dieu n’auraît-il pas pu conduire la vertu génératrice de façon qu’elle disposât la matière à recevoir cette nouvelle forme ? » (P. 629.)

On voit que, malgré son titre très spécial, ce livre touche à une très grande variété de sujets. D’ailleurs la question des causes est la question la plus importante de la métaphysique. Il est indispensable de la connaître dans tous ses détails et il est intéressant de savoir comment l’envisageaient à la suite d’Aristote les grands métaphysiciens du moyen âge. Les amis de la métaphysique voudront lire cet important ouvrage, où ils trouveront à s’instruire et à s’éclairer. Il pourra rendre de véritables services à tous ceux qui veulent se livrer à l’étude d’Aristote. M. Boutroux écrivait récemment : « Si le spiritualisme français veut se mettre d’accord avec les découvertes de la science contemporaine, il faut qu’il revienne aux principes de la philosophie d’Aristote[1]. » Mais pour comprendre dans toute sa force la portée de la philosophie d’Aristote, il faut s’aider de travaux sérieux et bien faits, où on peut trouver exposées par ordre les théories les plus importantes du péripatétisme. Des livres comme celui du P. de Régnon, à la fois substantiels, très clairs, très précis et bien ordonnés, mais où l’on suivrait de plus près encore le réalisme péripatéticien, où l’on éviterait toute digression et toute longueur, ne peuvent qu’être de la plus grande utilité aux jeunes philosophes et peut-être aux vieux.

G. Fonsegrive.

Ludovic Carrau. La conscience psychologique et morale dans l’individu et dans l’histoire, 1 vol.  in-12. Didier, 1887.

Dans le présent ouvrage, comme dans les Études sur la théorie de l’évolution, M. Carrau a agité le problème moral et le problème de la nature du moi. M. Carrau examine d’abord les origines de la conscience, de la pensée et de la volonté, selon G. H. Lewes. Il expose avec exactitude et pénétration la doctrine du philosophe anglais, qu’il distingue avec raison de celle de Spencer : « M. Spencer, dit-il, semble aboutir à la conception de deux séries parallèles, irréductibles l’une à l’autre, l’une de mouvements nerveux, l’autre d’états de conscience. M. Lewes supprime ce dualisme ; pour lui les deux séries n’en font qu’une et la distinction n’existe plus que dans les points de vue auxquels on se place pour la considérer. » Mais en supprimant ce dualisme, la doctrine de M. Lewes a un défaut capital : elle ne peut rendre compte de la possibilité du subjectif. Avec M. Lewes, M. Carrau

  1. La Grande Encyclopédie, art.  Aristote.