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ANALYSES.l. carrau. La conscience psychologique, etc.

génie (p. 103) ; il a des pages fines et intéressantes sur le mysticisme, l’extase, l’illuminisme et le fanatisme, une discussion pénétrante sur la responsabilité des criminels, dans laquelle il proteste avec infiniment de raison contre cet humanitarisme faux et énervant qui incline à ne voir dans les grands coupables que des victimes malheureuses des conditions sociales et de leur propre organisation.

La seconde partie de l’ouvrage est consacrée à la conscience dans l’histoire et comprend trois chapitres dans lesquels l’auteur passe successivement en revue la philosophie de l’histoire et la loi du progrès, les idées de Spencer sur l’humanité primitive et l’évolution sociale, l’évolution de la morale et la moralité chez les sauvages. Nous signalerons les passages où il examine, après Flint, la fameuse théorie de Cousin, qui ne voit dans le progrès que l’apparition successive sur le théâtre de l’histoire des trois idées qui sont le fond même de la raison, l’idée de l’infini, celle du fini, celle des rapports de l’infini et du fini (p. 167) ; la théorie qui assimile le développement de l’humanité à celui d’un organisme vivant (p. 170) ; celles de Hermann et de Hæckel qui prétendent concentrer dans la seule Allemagne ce qui reste de vie au genre humain (pg|174), celle de Lasaulx qui a donné le plus de développement et de précision à la doctrine qui veut retrouver dans la vie des nations les phases diverses de la vie humaine (p. 176). « Le progrès, dit M. Carrau, est un fait incontestable et indiscutable ; la loi du progrès, c’est pour l’humanité l’obligation, sourdement sentie d’abord comme un besoin, acceptée plus tard librement comme une dignité et un devoir, de tendre dans toutes les directions vers un idéal de beauté, de vérité, de bonheur, de perfection. « Nous nous bornerons à appeler l’attention sur la critique de l’homme primitif de Spencer (p. 204), de la comparaison instituée par lui entre une société et un organisme (p. 218), enfin sur la partie qui traite de la moralité chez les sauvages, dans laquelle M. Carrau, reprenant un sujet déjà magistralement traité par M. Janet dans sa Morale et aboutissant à des conclusions analogues, a trouvé le moyen d’ètre intéressant et neuf.

En résumé, M. Ludovic Carrau a essayé de montrer que la conscience qu’a le moi de lui-même n’est pas la résultante des activités cellulaires, de retrouver la conscience, d’en démêler le jeu et les fonctions dans la folie, de maintenir l’existence de la responsabilité chez ceux qui se rapprochent plus ou moins du fou et chez les criminels ; il a discuté I’hypothèse évolutionniste sur l’état intellectuel et moral de l’homme primitif, il s’est efforcé d’établir qu’il faut pour qu’il y ait progrès, un instinct de la perfection guidant, sans la contraindre, une activité maitresse de soi ; enfin il a montré dans les sociétés sauvages, tout épanouis déjà, les sentiments, les vertus, les principes mêmes qui constituent essentiellement la moralité.

On pourrait, tout en reconnaissant que la connaissance de l’histoire est nécessaire à celui qui veut donner une solution des questions philosophiques, soutenir qu’il vaut mieux traiter à part les questions d’his-