Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
209
ANALYSES.j. e. maude. The foundation of Ethics.

blable à mon idéal, que par conséquent ma personnalité morale est cet idéal même dans la mesure où il est réalisable, il sera rigoureusement vrai que l’âme philosophique est dès ici-bas séparée du corps, que la vie vertueuse est une démonstration et comme une prélibation de la vie éternelle, que l’activité vertueuse n’existe plus que sous la forme de l’éternité, que l’accident de la mort ne peut l’atteindre. Tout l’homme moral, en quelque sorte concentré dans la volonté absolument bonne, laisse sans regret tomber et s’éteindre ce qui de nous n’était pas fait pour l’éternité. Et ce n’est pas seulement pour les âmes vertueuses qu’il y a immortalité, car l’anéantissement d’une liberté qui aurait déconcerté par sa révolte l’ordre absolu du royaume des esprits serait un démenti sans réplique à la vérité du devoir, à la loi suprême du monde moral éternellement violée. Il faut que, par le repentir et l’expiation volontaire, le méchant fasse amende honorable et glorifie sans fin l’ordre un instant troublé par sa perversité.

L’étude des trois premiers chapitres du livre de M. Carrau s’impose à tous ceux qui s’occupent de l’histoire de la philosophie : ils y trouveront une critique sûre et pénétrante, une connaissance approfondie des textes et des travaux de seconde main, des aperçus ingénieux, exacts et nouveaux. La lecture de l’ouvrage tout entier fera réfléchir tous ceux qui se demandent après Platon si la croyance à l’immortalité est un beau rêve dont il faut s’enchanter.

F. Picavet.

J. E. Maude. The foundation of ethics, edited by William James. New-York, Henry Holt and company, 1887, in-18, 220 p.

M. J.-E. Maude est mort récemment à l’âge de trente ans ; quelque temps avant sa mort, il avait confié son ouvrage aux soins de M. William James qui le présente aujourd’hui au public, et pense ainsi servir non seulement la mémoire de Maude, mais aussi les intérêts de la philosophie. Et en effet, l’ouvrage est intéressant et curieux, l’auteur étant un esprit fin et logique et l’on ne peut que dire avec M. W. James : « Si profondément qu’on puisse différer d’opinion avec lui sur un point, en un sens — et je suis moi-même incapable de partager plusieurs de ses opinions — on ne peut, je pense, manquer de trouver ce traité stimulant et suggestif à un degré remarquable. »

M. Maude prend en morale une position assez particulière ; il tâche de définir avec précision ce qu’est l’éthique, et aussi ce qu’elle n’est pas, et les conséquences auxquelles il arrive sont originales. Pour lui, l’éthique n’a à s’occuper que de la vertu ou du vice, de ce qui est digne d’éloge ou de blâme ; elle n’a rien à faire avec les conséquences des actes (le bien ou le mal), ni avec la conformité des actes à une loi morale (le juste et l’injuste), ni avec les coutumes et les habitudes (la moralité). Trois chapitres sont consacrés à prévenir ainsi les fausses