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interprétations du mot Éthique. Il reste que « … la seule chose dont un être puisse être responsable est l’effort de volonté qu’il fait librement par son choix indéterminé, ou l’effort de volonté qu’il pourrait librement faire s’il choisissait ce parti. La qualité morale (ethical) d’un acte est déterminée par l’effort fait par l’agent pour accomplir cet acte plutôt qu’aucun autre. »

M. Maude place ainsi l’éthique dans le domaine du libre arbitre, le libre arbitre lui est évidemment nécessaire, il ne s’attarde pas à le démontrer, il le postule.

On voit que pour l’auteur la vraie moralité n’a rien à faire avec ce que l’on regarde généralement comme lui étant essentiel. Les bonnes tendances, les pires défauts n’ont rien à voir avec elle, si ce n’est que les premières la contrarient et que les seconds la favorisent jusqu’à un certain point, comme en étant une condition nécessaire. Pris en eux-mêmes, les instincts bas, sensuels, qui nous poussent au plaisir immédiat, sont exactement semblables à ce qu’on appelle les impulsions élevées qui nous poussent à agir selon l’intérêt des autres, en ce qu’ils sont tous involontaires, non raisonnables, et par suite non vertueux. » La moralité pour M. Maude, n’est pas une affaire d’instinct, mais d’effort et de volonté libre. L’auteur revient à plusieurs reprises sur cette manière de voir. Les « vertus » ainsi nommées sont des impulsions naturelles, des désirs, des inclinations, des dispositions, des tendances, et pour les actions qu’elles nous font faire, nous ne sommes en aucune sorte digne d’éloges. Elles ne sont en rien des vertus, et n’ont aucune qualité éthique, c’est-à-dire, qu’il n’y a rien en elles qui soit un élément de mérite pour celui qui les a. Elles sont bonnes (good) parce que leurs résultats sont bons, mais n’ont rien de vertueux. » Et l’auteur ajoute plus loin : « La seule vertu consiste à s’opposer aux impulsions, non à leur céder. »

Le domaine de la vertu, comme le comprend M. Maude, est ainsi bien délimité, elle n’a rien d’objectif, elle n’existe que dans le domaine psychique. Comme M. Renouvier, M. Maude introduit l’indéterminisme dans le jeu des idées, des représentations. « …L’apparition de l’idée d’un mouvement produit inévitablement ce mouvement, si rien ne s’oppose à l’idée… Je suis entièrement incapable de détruire la connexion qui existe entre une idée et sa manifestation physique à l’extérieur, les deux sont simplement différents côtés : le côté moral et le côté physique du même fait….. Mais tandis que rien ne peut détruire cette connexion de l’idée et de manifestation physique, l’idée elle-même peut être combattue dans l’esprit et empêchée de produire sa manifestation extérieure. » M. Maude décrit alors la lutte des idées et ajoute : « C’est précisément cette sorte de conflit des idées qui rend possible et nécessaire cet effort de volonté que nous appelons vertu, » et plus loin : « En réalité ce fait d’exercer la volonté à rendre quelques idées plus puissantes que d’autres comme causes d’action extérieure est tout ce que l’on peut appeler proprement action de l’homme »… « Le seul acte qui soit mon