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P. JANET.actes inconscients dans le somnambulisme

jamais accomplies avec pleine conscience, elles vivent comme dans un rêve perpétuel où la plupart des actes leur échappent. Mais on ne peut que difficilement distinguer ces éléments distincts dont leur conduite est la résultante. Chez certaines personnes seulement, les actes inconscients spontanés se produisent assez régulièrement pour se prêter à l’étude, je veux parler des médium dans les expériences spirites. Il serait possible de faire sur eux une étude psychologique des plus intéressantes, quoiqu’elle soit fort difficile. Une jeune fille anglaise, Mlle S., dont l’histoire très intéressante a été publiée en Angleterre[1], possède par une fortune singulière cinq ou six esprits familiers Johnson, Eudora, Moster, etc. Je désirais vivement assister à leurs exploits et Mlle S., qui était alors au Havre, eut la complaisance de se prêter à quelques observations. Malheureusement les esprits furent ce jour-là de fort mauvaise humeur et la fameuse planchette sur laquelle le médium appuyait la main n’écrivit que des mots insignifiants : « Johnson must go….. Eudora is writing,  » et surtout ces mots perpétuellement répétés : « most of things, most-of men… » Mlle S. attribua cet insuccès à l’absence de son frère qui d’ordinaire interrogeait les esprits. Cette explication me paraît fort vraisemblable : je ne pouvais me faire entendre des esprits ni leur donner des ordres, de même qu’une personne étrangère ne pourrait faire de suggestions par distraction à B. ou à L. N’est-il pas curieux de remarquer ce caractère de l’électivité même chez les esprits d’un médium naturel ? Or ce caractère de l’électivité est surtout propre au somnambulisme, nous l’avons retrouvé dans tous les phénomènes inconscients : n’est-ce pas une indication sur leur véritable nature ? Nous avons le droit de diriger maintenant nos recherches dans ce sens, afin de vérifier si l’on doit définitivement leur accorder le nom par lequel les désignait M. Ch. Richet, des phénomènes d’hémi-somnambulisme.

V

Quelques auteurs ont hésité à poursuivre dans le somnambulisme provoqué l’étude des actes inconscients, redoutant pendant le sommeil hypnotique le danger des suggestions involontaires et maladroites. Ce danger est très réel et doit toujours être présent à l’esprit du psychologue, mais il n’a pas jusqu’ici, fort heureusement à notre avis, empêché les études sur l’hypnotisme et celle-ci ne diffère pas des autres. En outre, à notre avis du moins, l’expérimentateur

  1. Proceedings of the S. P. R., 1887, p. 216.