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P. JANET.actes inconscients dans le somnambulisme

« Il m’a dit ceci… encore cela… c’est bien, je sais maintenant », puis se tournant vers moi : « Vous pouvez me réveiller », dit-elle. Le lendemain, les actes étaient très bien accomplis, mais inconsciemment par B. comme par cette autre personne qui avait pris la précaution de les apprendre. Dans le somnambulisme suivant, Léontine se souvenait de tous les détails.

Tout ce que je viens de dire s’applique exactement aux actes inconscients spontanés de B. : Léontine en garde un souvenir parfait. Dans la lettre dont j’ai parlé il y avait une partie ignorée de B. et signée de Léontine : on voit maintenant ce que ce nom signifiait. Celle-ci en effet ramenée par le somnambulisme me raconta qu’elle avait voulu m’écrire pour me prévenir de la maladie de l’autre, et me récita les termes de la lettre. Souvent elle prend en somnambulisme des résolutions spontanées ; comme je l’interrogeais sur un détail de sa vie : « Je vous écrirai cela un jour, » dit-elle. Le lendemain je surpris B. rêvassant et chantant pendant que sa main écrivait à son insu l’histoire que Léontine avait promise. Il est juste de remarquer que ces auto-suggestions s’exécutent beaucoup moins régulièrement que les suggestions faites par moi, mais quand elles s’exécutent elles ont absolument les mêmes caractères. Une excellente preuve d’ailleurs que ces actes inconscients spontanés sont des actes de Léontine, c’est que comme nous l’avons dit le sujet peut s’endormir pendant leur accomplissement, les mêmes actes sont alors continués pendant le somnambulisme sans modifications. Je surpris une fois B. écrivant inconsciemment une lettre à M. Gibert je l’endormis rapidement, Léontine continua sa lettre avec bien plus d’activité.

Il est inutile de décrire ce même phénomène de mémoire chez les autres sujets, il est absolument identique si l’on tient compte, bien entendu, des différences d’intelligence des divers personnages somnambuliques tous ne racontent pas avec autant de précision ni autant de spontanéité que Léontine. J’insisterai seulement sur un fait certains sujets comme N. ont en somnambulisme le souvenir de tous les actes inconscients, même de ceux qui ont été obtenus par anesthésie ou par distraction, tandis qu’il n’en est pas ainsi pour B. Les souvenirs de ces deux dernières espèces d’actes inconscients n’existent pas en somnambulisme, nous aurons à faire de nouvelles études pour voir ce qu’ils deviennent.

Ce souvenir de l’acte inconscient pendant le sommeil ne doit pas nous surprendre, si nous faisons un retour sur les caractères mêmes de ces actes. Nous verrons en effet que ces actes présentent tous les caractères psychologiques du personnage somnambulique et non ceux du personnage réel. 1o L’écriture inconsciente conserve le sou-