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cients spontanés ou par suggestion posthypnotique, mais elle ne se souvient jamais des actes inconscients par anesthésie ou par distraction qui ne sont pas les moins intéressants. Que faut-il penser de ces actes inconscients dont le souvenir ne réapparaît pas pendant le somnambulisme ? sont-ils de la même nature que les précédents ou sont-ils soumis à des lois nouvelles ?

Pour répondre à cette question, il faut remarquer deux choses importantes : 1o chez ces sujets qui une fois endormis n’ont pas le souvenir de tous leurs actes inconscients, il existe encore des actes inconscients pendant le somnambulisme même ; 2o ces actes inconscients qui existent encore sont précisément de la même nature que ceux des actes inconscients de la veille, qui n’ont pas été remémorés pendant le somnambulisme. Il nous faut démontrer maintenant ces deux points.

D’abord il existe encore pendant le somnambulisme des actes inconscients par anesthésie et cela simplement parce que ces sujets ont conservé leur anesthésie en somnambulisme. L’acte inconscient de la veille avait été associé avec une sensation dissociée de la conscience ; tant que cette sensation reste dissociée, n’est pas rendue à la conscience totale, l’acte qui lui est associé restera inconscient. Ainsi Léontine étant anesthésique du bras gauche comme B. elle-même, j’obtiendrai pendant le somnambulisme la catalepsie de ce bras, la continuation des mouvements, etc., comme je l’ai déjà décrit. Certains sujets peuvent également être distraits pendant le somnambulisme comme pendant la veille. Sans doute cela n’est pas possible chez tous : A., dont la conscience pendant l’hypnose ne contient qu’un très petit nombre de phénomènes et qui ne peut entendre que moi, ne pourra évidemment pas être distraite. La conscience est trop petite pour se diviser, elle est forcément attentive quoique d’une attention toute passive, comme vient de le montrer M. Ribot. Mais des sujets comme B. et L. qui sont intelligents pendant le somnambulisme et qui causent avec tout le monde, peuvent être distraits. Ils le sont même très facilement, car leurs idées nombreuses peut-être n’ont pas de cohésion. B. passe en un instant d’un sujet à un autre et se donne tout entière à chaque personne qui lui parle en oubliant toutes les autres. Chez des sujets de ce genre la suggestion par distraction est très facile à obtenir pendant le somnambulisme. Toutes les expériences sur les calculs et les écritures inconscientes de L. ont été répétées avec facilité pendant le somnambulisme comme pendant la veille et il en est de même avec Léontine. Un jour Léontine tout affairée causait avec des personnes présentes et m’avait complètement oublié ; je lui com-