Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
P. JANET.actes inconscients dans le somnambulisme

inconscient en endormant le sujet, c’est-à-dire en supprimant cette couche superficielle de phénomènes conscients qui semblait s’étendre au-dessus des actions automatiques ; pourquoi ne pas user encore une fois de la même méthode ? Pour faire disparaître maintenant cette conscience somnambulique qui est comme une seconde couche de phénomènes, essayons d’endormir encore le sujet comme s’il ne l’était pas déjà et ajoutons une seconde hypnotisation à celle qui a déjà été faite. Tous les sujets sans doute ne se prêtent pas à cette expérience. Après avoir été amené à la tenter sur L.[1] pour la première fois, j’ai essayé de la répéter sur bien des sujets sans grand succès. On sait ce qui arrive chez L. quand on dépasse ainsi le premier somnambulisme : le sujet après un sommeil profond qui dure à peu près vingt minutes s’éveille dans un nouvel état que l’on peut appeler un second somnambulisme. La personne qui parle alors dans cet état nouveau (j’ai indiqué ailleurs mes raisons pour le croire), n’est plus ni la personnalité de la veille, ni même celle du somnambulisme précédent, c’est la personne qui était jusqu’à présent inconsciente et qui répondait au nom d’Adrienne. La sensibilité tactile, le souvenir des crises, des somnambulismes naturels, des cauchemars, des actes inconscients, en un mot tout ce qui caractérisait le personnage d’Adrienne se trouve maintenant dans cette personne. Mais l’étude de ce second somnambulisme ayant été poussée beaucoup plus loin avec B, c’est sur la description de ce sujet que nous insisterons maintenant uniquement.

La découverte du second somnambulisme chez L. nous engagea naturellement à chercher s’il n’y avait pas chez B. quelque chose d’analogue, puisque ce sujet présentait des actes inconscients avec les mêmes caractères. Il faut d’abord attendre que l’état de somnambulisme pendant lequel Léontine a la vie consciente et la parole soit bien complet et bien développé, ce qui n’a lieu qu’au bout de deux ou trois heures. Essayons alors d’endormir Léontine comme si elle était une personne réelle et employons pour cela les mêmes procédés, attouchement du pouce, passes, etc. Léontine peu à peu cesse de parler, s’endort profondément et finit par tomber en léthargie[2]. Continuons les passes malgré la léthargie ; le sujet pousse un soupir et semble se réveiller peu à peu. Mais ce réveil singulier est très lent. Les sens semblent se réveiller l’un après l’autre : le sens musculaire d’abord, car le sujet garde maintenant les membres dans la

  1. Anesthésie systématisée… Revue philosophique, mai 1887, p. 467.
  2. La description des différentes périodes du sommeil chez ce sujet a déjà été faite par nous dans la Revue scientifique, 8 mai 1886 : Les phases intermédiaires de l’hypnotisme.