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L’ART CHEZ L’ENFANT

LE DESSIN


I

L’enfant, qui est encore incapable de produire le beau, l’ignorant, qui l’est et le restera toujours plus ou moins, jouissent pourtant à leur façon des œuvres artistiques. Il n’est donc pas sans intérêt de chercher de quelle manière le petit enfant, dont les doigts n’ont jamais tenu un crayon, comprend et sent les représentations des choses, les dessins, les peintures, en un mot, les images.

Les premières représentations qui s’offrent à lui sont celles des miroirs. Elles n’ont rien d’esthétique ni en elles-mêmes ni dans leurs effets, puisqu’elles arrivent à notre esprit toutes faites ; ce sont de simples copies des réalités ; nous les percevons, nous les interprétons à peine, nous ne les créons pas. Leur impression parfaite implique cependant un élément intellectuel, la reconnaissance, et des éléments émotionnels, la surprise et le plaisir de la reconnaissance. Ce sont là des caractères communs aux impressions que nous procurent les représentations naturelles et les représentations figurées des personnes ou des choses.

L’enfant âgé de quelques mois, placé devant une glace ou un miroir, se comporte bien autrement que les singes des espèces supérieures, les chiens, les chats, ou même les sauvages. Les singes auxquels on présente un miroir y reconnaissent un des leurs et mettent leur main derrière le cadre, comme pour le saisir ; ils ne prennent pas de plaisir à voir l’autre eux-mêmes, ils ne tardent pas à se fâcher et à refuser de regarder. Des chiens, des chats de cinq à six mois, passent souvent devant une glace sans faire attention à leur image ; d’autres fois, surtout dans un âge plus avancé, ils paraissent un instant surpris de voir là un des leurs : ils regardent attentivement, jouent des pattes en manière de jeu ou d’agression ; mais leur image, pour eux celle d’un congénère, leur devient vite indifférente. J’ai pourtant à noter le fait bizarre d’une chatte qui ne s’intéres-