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B. PEREZ.l’art chez l’enfant

Dans les têtes vues de face, un trait horizontal ou oblique la dessine suffisamment. Quelques enfants ajoutent fort maladroitement, sous ce trait, deux ou trois points, qui ont peut-être l’intention d’indiquer les dents. Une bouche fermée, qui laisse voir ses dents, ce n’est pas pour effrayer la logique enfantine. Somme toute, l’enfant qui n’a pas appris méthodiquement le dessin, arrive très tard, et à force d’imitations, à faire une bouche presque régulière, et surtout expressive, ce qui suppose tout à la fois la description exacte et le sentiment pittoresque. C’est ainsi que je vois un enfant de neuf ans et demi, rompu au libre dessin et très observateur, portraire son oncle d’abord la bouche fermée (de profil), ligne droite terminée par un petit trait oblique (donnant un air sérieux), puis la bouche ouverte pour rire (lèvres relevées et étirées, laissant voir deux rangées de dents irrégulières), puis la bouche contractée, avec protusion des lèvres, pour indiquer la frayeur (l’oncle fuit en toute vitesse Paris et le choléra).

L’oreille n’est pas un organe aussi essentiel, je veux dire aussi apparent, dans la figure humaine. Aussi fait-elle souvent défaut, même alors que l’enfant a commencé à la noter. Elle est plus rare dans les dessins de profil que dans les autres.

Dès ses débuts, l’enfant s’occupe d’un accessoire fort important de la tête, de ce qui la couvre et la pare, des cheveux, ou du chapeau et du bonnet. Les cheveux sont grossièrement représentés, soit par des lignes droites toutes hérissées autour du crâne, soit par une série de petites courbes allant du front à l’occiput, soit par une profusion de lignes noires faisant une tache noire irrégulière, avec l’aspect d’une perruque usée, soit par quelque végétation informe jouant la guirlande ou la colonne de fumée, en un mot, des lignes droites massées ou des courbes annelées. Vu la place où cela se trouve, cela doit nécessairement représenter des cheveux. Une petite fille de huit ans, qui n’avait jamais dessiné, ayant fait sur mon invitation deux hommes et deux femmes, couvrit de deux bonnets fort bizarres les têtes masculines, et indiqua la chevelure des femmes par un jet de lignes droites retombant en panache du côté gauche de la tête.

Pour en finir avec la tête humaine, j’ai constaté que les profils sont presque toujours tracés de droite à gauche. Le mouvement adductif est plus familier que le mouvement abductif à la main habituée à tenir le crayon ou la plume. Peut-être le contraire aurait-il lieu non moins souvent chez les enfants des pays où l’écriture se fait droite, ou de gauche à droite.

J’ai remarqué enfin une très grande ressemblance, et comme un