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dant assez nettement dessinées dans l’étude magistrale sur l’instinct qui occupe le dernier tiers du volume. Bien que les faits y soient encore vus un peu en gros et sous une forme plus concrète qu’il n’eût fallu[1], cette monographie de l’instinct, point culminant de l’ouvrage, paraît bien être ce qui a été écrit de meilleur sur l’activité mentale des animaux envisagée dans ses traits essentiels.

Définition de l’instinct. — M. Romanes place l’instinct entre le réflexe, dont l’excitant est tout au plus une sensation, et l’acte, dont l’antécédent mental est une représentation nettement relationnelle, acte qu’il appelle raisonnable, et qui devrait selon nous porter le nom de volontaire au sens étroit ou libre. L’acte instinctif renferme un élément mental, il a pour antécédent une perception. C’est au fond la même classification que celle adoptée par Schneider, qui distingue trois sortes d’excitations représentatives : la sensation, la perception et la pensée réfléchie ; mais Schneider reconnaît avec raison entre le réflexe physiologique et l’instinct, l’existence d’un mode d’action volontaire au sens large, en tant qu’excité par une modification consciente : c’est le réflexe psychologique.

Quelque incertaines que soient les frontières entre ces divers modes de représentation et de volition, les différences qui les séparent, loin de s’évanouir quand on entre dans le détail des faits, y prennent au contraire un relief inattendu. M. Romanes s’en serait assuré, s’il avait essayé de pousser jusqu’aux éléments simples l’étude morphologique qu’il a faite des ensembles. M. Schneider a déjà donné une très estimable classification des actes volontaires et dans cette classification il a réussi à présenter deux tableaux très distincts des réflexes psychologiques et des instincts ; nous l’avons reprise en nous efforçant de la compléter pour les besoins de notre enseignement et il nous a semblé que les cadres tracés s’affermissaient grâce aux différences tranchées de leur contenu. Une classification des réflexes physiologiques nous a permis de circonscrire par en bas les limites des réflexes psychologiques qui sont celles de la psychologie elle-même, comme nous les avions circonscrites par en haut, du côté des instincts.

Ce qui permet d’établir entre les formes du vouloir des différences saisissables, c’est le fait incontesté de leur correspondance avec les formes de la représentation. Celles-ci sont beaucoup plus distinctes que celles-là ; ou plutôt elles sont seules distinctes ; ce sont elles qui

  1. Schneider, dans l’introduction de sa Volonté chez les animaux, demande avec raison que les psychologues, au lieu d’étudier l’activité psychique des animaux prise en bloc, s’attachent à des groupes de phénomènes distincts. On ne peut comprendre comment M. Romanes a profité si peu de ce livre qu’il connaissait.