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B. PEREZ.l’art chez l’enfant

de six ans, font rarement partir les deux bras de deux points tout à fait rapprochés. Préoccupés, non seulement de doter l’homme de ses deux bras, mais de les bien placer, quelques-uns les dessinent assez loin l’un de l’autre, et le dernier en perspective, comme s’il se tenait en l’air ; d’autres les font surgir du milieu du dos comme des nageoires de poisson.

Cette duplication maladroite des bras ou des jambes, ou même des yeux, du nez et des oreilles, sur le même côté de la personne humaine, a dû persister longtemps dans les essais préhistoriques de dessin. Elle n’a pas laissé de traces dans les échantillons de l’art sauvage qui ont été recueillis jusqu’ici : cela n’est pas étonnant, car ces spécimens sont déjà des œuvres de véritables artistes, ayant derrière eux toute une longue tradition. Toutefois la duplication des jambes se retrouve au milieu de quelques inscriptions recueillies sur le Missouri et au Nouveau-Mexique par Schoolcraft[1]. On peut se demander si ces créations anomales des artistes primitifs n’ont pas influé sur la personnification symbolique des divinités primitives, tout comme les artistes grecs ont collaboré au perfectionnement de la mythologie hellénique.

Quand l’enfant a trouvé le moyen d’articuler les deux bras, soit par un angle, soit par une courbe, il utilise cette forme plus parfaite de plusieurs manières, faisant tenir à la main droite levée une chose et à la main gauche baissée une autre chose. Les enfants les moins intelligents, il est vrai, s’en tiennent longtemps, si on ne les en avertit pas, à une direction constante des deux bras appliqués aux mêmes services. Ainsi, pour certains garçons, l’homme appuie la première main sur une canne ou sur un sabre, et élève la seconde vers la bouche avec une pipe ou un instrument de musique. La femme de certaines fillettes d’une main tient la laisse d’un chien, et de l’autre une ombrelle. J’en ai vu une, intelligente d’ailleurs, dont tous les hommes et toutes les femmes avaient à leur première main une canne, et retenaient de la seconde le fil d’un ballon sur lequel on voyait écrit le mot : Louvre.

Les jambes furent d’abord deux lignes verticales, quelquefois terminées par deux tirets horizontaux, dirigés l’un à gauche (jambe gauche), l’autre à droite (jambe droite). Comme le pied est ordinairement vu chaussé, il semble naturel que l’enfant le représente sous une forme simple. Pourtant des enfants, même âgés de sept ou huit ans, guidés sans doute par l’analogie du pied avec la main, terminent la jambe elle-même par quelques traits droits divergents. Quand

  1. Information respecting the history, condition and prospects of the indian tribes of the United States. Philadelphie, 1854.