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« Chez tous les êtres l’acte conforme à la finalité est exécuté avec plaisir, et l’acte contraire à la finalité entraîne de la douleur. Il y a une finalité pour les émotions comme pour les actes, car l’émotion semble avoir été placée près de l’acte pour en assurer l’exécution[1]. » Chez les vertébrés supérieurs, et principalement chez l’homme, la mémoire vient s’ajouter à la conscience. Les idées, résidus de sensations et d’images, s’accumulent dans le cerveau, et deviennent à leur tour des forces capables de déterminer des mouvements qui paraissent spontanés. Le système nerveux central est « un appareil d’énergie latente[2] », qui, sous l’influence d’excitations relativement faibles, laisse se dépenser au dehors la force qui s’est lentement emmagasinée en lui. Cette énergie, le système nerveux la puise dans le milieu où il est placé : elle est le résultat d’une transformation dans l’organisme des forces physico-chimiques, et elle se manifeste au dehors tantôt sous la forme de mouvements réflexes, tantôt sous la forme de phénomènes de conscience : mouvements réflexes et faits de conscience sont du reste au même titre des produits des réactions chimiques qui se passent dans l’intimité du système nerveux ; ce sont des anneaux d’une même chaîne. M. Richet n’établit aucune distinction de nature entre les phénomènes psychiques et les autres phénomènes, mais il n’en admet pas moins la légitimité de l’observation intérieure ; seulement l’observation intérieure ne peut atteindre que les faits de conscience, et ces faits n’ont pas en eux-mêmes leur explication ; pour aller plus loin, dit-il, il faut recourir à l’étude des propriétés générales de la matière « vivante et pensante[3] », et cette étude est du domaine de la physiologie et de la chimie.

Venons maintenant aux détails.

II. M. Richet combat à la première page de son introduction comme trop étroite la définition qui fait de la psychologie la science de l’intelligence, mais cette définition n’est pas communément admise : la psychologie telle qu’on l’entend aujourd’hui dans toutes les écoles, c’est l’étude des faits de conscience, de leurs lois et de leurs conditions : on ne peut accuser cette conception-là d’étroitesse, et il est facile de faire rentrer dans ce cadre les phénomènes inconscients ou semi-conscients pour lesquels M. Richet sollicite une place. Ce qui ne sera pas accepté de tous les psychologues, c’est que l’on fasse de ces classes diverses de phénomènes des forces diverses[4].

Aux yeux de beaucoup d’entre eux, ce serait ressusciter sans grande nécessité la vieille théorie des facultés. Il est vrai qu’il assigne à ces forces une origine commune, l’action réflexe élémentaire, mais si l’on voit bien comment peuvent s’y rattacher toutes les inclinations et les

  1. Psych. gen., p. 191.
  2. id., p. 192.
  3. id., XIII.
  4. id., VII. « Il y a donc, en définitive, des forces psychiques diverses, l’instinct ou intelligence latente, l’idéation ou intelligence inconsciente, et enfin l’intelligence proprement dite ou intelligence consciente. »