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Le mouvement n’est pas davantage un contenu pour soi. Zenon avait déjà remarqué qu’un contenu qui se meut est immobile en chaque lieu. Et en effet on ne voit jamais le mouvement visible comme mouvement ; on le voit comme distance d’une place perçue à une place représentée. Des contenus qui se meuvent semblent immobiles quand ils conservent leur situation respective, et la considération des mouvements célestes autoriserait enfin à conclure que la représentation du mouvement est en dernière analyse quelque chose de relatif.

Si le mouvement d’un contenu dans l’espace est possible en tous sens et « perceptible », au contraire la direction de l’ensemble des espaces, ou des contenus donnés en bloc, est purement « représentée », et la direction du mouvement selon une ligne unique ne fait que fournir la représentation du temps, c’est-à-dire un ordre d’espace.

La vitesse se rattache au mouvement. Elle résulte d’un rapport entre les lieux du mouvement externe et les moments de la perception représentative ; nous l’apprécions d’après le nombre des lieux rapportés à l’unité définie des moments de la représentation.

Prenons maintenant un objet réel quelconque. Une pomme est un agrégat : un agrégat de tous les phénomènes concomitants des contenus, et des contenus eux-mêmes. Elle n’est pas seulement une étendue colorée, elle est pesante, douce, fraîche, odorante, etc. Comment ces divers contenus composent-ils une pomme ? La thèse de M. Lœwy, relative à la réunion des contenus, est qu’il n’existe pas un contenu des contenus, une substance, et que la « chose » est une expression pure. Si je dis : une odeur est dans la pomme ; cela veut dire : l’odeur est associée au lieu pomme de l’étendue, non à un autre lieu de l’étendue ; l’odeur est, en termes généraux, associée à l’étendue ; ces deux contenus, intensif et extensif, l’odeur et l’étendue, sont également « donnes », et le lieu de l’un est attribué à l’autre, sans qu’il faille imaginer une liaison mystérieuse.

L’opinion vulgaire est que l’odeur a un double lieu, dans la pomme et dans le nez. Il faut dire plutôt qu’il y a des contenus visibles externes et des contenus visibles internes (nerfs, etc.), et que les uns sont présents avec les autres.

Trois questions peuvent être posées touchant la réalité du monde extérieur, à savoir : s’il est une existence étrangère, un lieu en dehors de la conscience ; s’il est une existence indépendante de la conscience ; si les contenus de la conscience sont semblables aux choses, si la conscience représente les choses comme elles sont ou autrement qu’elles ne sont. Je ne peux pas reproduire les discussions de M. Lœwy, et je donne seulement ses conclusions. La vérité, d’après lui, est donc que les contenus en présence d’un corps ne sont pas donnés sans un corps qui reçoit les excitations, ou qui perçoit les décalques d’images originelles. Nul contenu sans un corps ; nul contenu visible sans notre œil. La substance intime des métaphysiciens, âme ou esprit, indéterminée quant à son contenu, et transcendante, est le lieu de la conscience, qui