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de pétition de principe. Mais ce qu’on ne peut contester à la philosophie, c’est de pouvoir présenter au moins des lois empiriques, ou, si vous voulez, des faits généralisés, ayant donc ce caractère de généralité, qu’Aristote exige de la science pour être science. Est-il nécessaire de rappeler tout ce que la psychologie nous apprend des lois de nos facultés ; par exemple, les lois de la mémoire, à savoir que la répétition et la prolongation fixent le souvenir ; les lois de l’association des idées, à savoir que deux idées qui se sont succédé dans le temps tendent à se reproduire l’une après l’autre ; les lois de l’habitude, à savoir que l’habitude émousse la sensibilité et perfectionne l’activité ; les lois des passions, telles que celle-ci : toutes les passions ne sont que le désir transformé ; les lois du langage, par exemple celle-ci de Condillac : les langues sont des méthodes analytiques. Nous ne citons que des faits simples et bien connus pour fixer les idées par des exemples : ce n’est pas ici le lieu de pousser à fond l’étude de ces lois. Indépendamment de ces lois empiriques, la philosophie peut encore faire valoir des lois rationnelles, telles que les lois du syllogisme, celle de la proposition, de la définition, en un mot les lois logiques, et aussi les lois morales, qui, lors même qu’elles pourraient avoir une origine lointaine dans l’expérience et dans la coutume, se présentent aujourd’hui avec un caractère d’autorité qu’on ne peut méconnaître et qu’il faut expliquer. On discute sans doute en philosophie sur la portée et les limites de ces lois psychologiques, logiques ou morales, comme on discute aussi dans les sciences sur les limites et la portée des lois les plus certaines. Quelques-uns aussi, dans les autres sciences, essayent de ramener toutes les lois à une seule ; mais en attendant que ces réductions soient démontrées, on distingue les lois mécaniques, les lois chimiques, les lois physiques et, dans chaque ordre, les différentes lois les unes des autres. Pourquoi n’en serait-il pas de même en philosophie ? Ainsi, en ajoutant ce nouveau caractère au précédent, nous aurons une définition complète qui est celle-ci : La philosophie est une science de faits et de lois ; et comme les faits et les lois sont des vérités, c’est donc une science de vérités ; et quand même on ferait abstraction des solutions hypothétiques par lesquelles on essaye d’enchainer ces vérités sous forme de systèmes, ces vérités ne subsisteraient pas moins à titre de fragments brisés, séparés, existant chacun pour soi-même, en un mot de vérités particulières, et l’on pourrait dire que la philosophie est une science de vérités partielles, coordonnées, d’une manière plus ou moins artificielle, me ces hypothèses que l’on appelle des systèmes.

Est-ce là donc si peu de chose ? La vérité a-t-elle donc si peu de