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RICHET.les réflexes psychiques

comprendre comment la vue d’une charogne va ébranler les centres nerveux, et déterminer les gestes du dégoût en même temps que la sensation de dégoût. C’est sans doute un ébranlement de tel ou tel groupe de cellules, ébranlement qui chemine de proche en proche, de cellule à cellule, jusqu’à ce que la conscience soit ébranlée, jusqu’à ce que les centres moteurs des nerfs corrélatifs aient été à leur tour mis en branle.

Il nous paraît qu’à voir cette élaboration presque inconsciente, tout à fait involontaire, de mouvements qui se succèdent avec la même promptitude qu’un acte réflexe, on ne peut pas ne pas comparer les actes psychiques à un mécanisme. Ce mécanisme est admirable. S’il est conscient dans quelques-uns de ses termes, soit ; mais il est fatal, et toute spontanéité en est bannie.

Si l’on admet que le fait de cligner quand on approche rapidement un objet de notre œil, est un phénomène mécanique, on doit admettre aussi que la rougeur de la figure, quand on s’entend appeler imbécile, est un phénomène tout à fait du même ordre.

En effet, il y a toute une hiérarchie, toute une série de transitions et d’intermédiaires entre l’acte du clignement, franchement réflexe, et certaines émotions qui paraissent spontanées ; tellement l’excitant y est pour peu de chose, tellement l’élaboration intellectuelle en est compliquée.

Voici par exemple un corps étranger qui est introduit dans l’œil : il offense la cornée, excite les nerfs de la cinquième paire, et, par voie réflexe, sans aucune intervention des centres psychiques, produit la contraction de l’orbiculaire et l’occlusion des paupières.

Compliquons un peu le phénomène. Un corps étranger menace l’œil par sa rapide approche : il produit une émotion très légère, presque imperceptible, de frayeur. C’est le minimum de la frayeur : pourtant cette minime frayeur détermine le clignement. Il s’agit là évidemment d’un mouvement réflexe et d’une émotion réflexe ; mais l’émotion et le mouvement ont le caractère psychique.

Pour ce phénomène, le caractère réflexe est évident ; c’est le caractère psychique qui est plus contestable ; et, de fait, nous sommes ici à l’extrême limite qui sépare les actes réflexes simples des actes réflexes psychiques. Cependant, pour le clignement soudain, une certaine connaissance de la nature de l’excitation est nécessaire. Ce ne sont ni l’intensité de l’excitation lumineuse, ni les dimensions de l’objet, ni sa forme, qui déterminent le clignement ; ce qui le détermine c’est la rapidité même avec laquelle il est approché : c’est par conséquent le jugement, presque inconscient, que nous portons sur la possibilité d’être atteints par ce corps étranger