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menaçant. Le même objet, s’il était approché de nos yeux lentement, graduellement, avec des précautions extrêmes, ne provoquerait aucun clignement. Il y a donc une compréhension très rudimentaire qui nous fait cligner, et, sans cette intelligence, il n’y aurait pas de clignement.

On sait que les nouveau-nés n’ont pas ce clignement psychique, qui ne survient que plus tard, vers le 4e mois.

Ainsi, quand nous disons élaboration intellectuelle, nous ne voulons pas dire qu’il s’agit toujours d’un travail très compliqué. Ce travail intellectuel est parfois des plus rudimentaires, comme le clignement des paupières d’un enfant de six mois, quand on approche vivement un objet de ses yeux.

Compliquons encore l’émotion. Un bruit soudain retentit près de nous : il produit une certaine émotion de frayeur, un peu plus marquée que l’émotion précédente : aussitôt nous fermons la paupière pendant un espace de temps très court. C’est encore là assurément un clignement réflexe ; mais la voie du réflexe est déjà plus compliquée, et nécessite une élaboration plus complexe que le clignement provoqué par l’approche rapide d’un objet de la rétine.

Ce clignement sera nécessité par une élaboration plus compliquée encore, si, au lieu d’entendre un bruit soudain, nous voyons la menace d’un bruit soudain, comme par exemple si quelqu’un lève un lourd marteau et, sans le déplacer, menace de le faire tomber sur un objet sonore. Ou bien encore comme font les enfants ou les personnes nerveuses, quand on va déboucher une bouteille de champagne : on ferme alors les yeux, dans l’attente du bruit que va provoquer le saut du bouchon. Ce clignement est de nature réflexe aussi, provoqué par l’attente du bruit, c’est-à-dire par la vue d’un objet qui va faire du bruit. Par conséquent le réflexe est extrêmement compliqué, et on serait presque tenté de dire que ce clignement est spontané.

C’est l’émotion qui détermine le mouvement, et cette émotion elle-même est réflexe ; mais le mot réflexe implique toute une échelle d’actions très diverses. C’est une élaboration tantôt élémentaire, tantôt prodigieusement complexe, comme la vue d’une bouteille de champagne dont le bouchon va sauter, ou le mot police correctionnelle qui fait rougir.

De même qu’il y a une série de transitions entre l’organisme simple, rudimentaire d’une monère et l’organisme prodigieusement complexe d’un chat, ou d’un oiseau, de même il y a toutes les transitions entre l’émotion simple que donne la vue d’un objet qu’on approche rapidement de l’œil, et l’émotion complexe que donne