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RICHET.les réflexes psychiques

la vue d’un télégramme annonçant une nouvelle douloureuse.

Mais, simples ou complexes, les phénornènes sont du même ordre. Il s’agit d’une excitation périphérique qui, agissant sur les centres nerveux, les ébranle, les excite de proche en proche, et détermine tel ou tel mouvement.

La caractéristique de tous ces phénomènes, c’est qu’ils sont absolument involontaires, et qu’ils ont par conséquent, au plus haut degré, le caractère des faits mécaniques. Qu’il y ait ou non conscience, Cela importe peu. L’impuissance de la volonté demeure tout aussi complète. La conscience et la volonté ne sont pas synonymes. Quand une émotion survient, comme la peur, le dégoût, et surtout la douleur, nous ne pouvons pas la modifier. Elle agite, ébranle le moi ; mais le moi est un spectateur presque passif qui assiste à cet enchaînement d’idées et de sentiments sans pouvoir les modifier. Qu’il les connaisse ou qu’il ne les connaisse pas, cela ne les empêche pas d’exister ; et la conscience ou l’inconscience n’en changent aucunement le cours.

Il y a certains réflexes psychiques tellement vagues qu’ils sont presque inconscients. Ce n’est pas à dire pour cela qu’ils soient sans élaboration intellectuelle. Mais cette élaboration primesautière se fait presque en dehors de la conscience.

Ainsi, pour prendre un exemple des plus connus, quand on regarde un précipice, sans qu’il y ait de balustrade ou de barrière qui donne la réalité ou l’apparence de la protection, on a des jambes qui tremblent, deviennent sans force, et on a peine à avancer. Toute l’énergie musculaire a disparu. C’est là une émotion réflexe psychique ; car assurément l’excitation visuelle, en tant qu’excitation simple, n’a rien qui puisse donner le vertige et faire perdre la force musculaire. Ce qui donne le vertige c’est l’idée de la chute et la connaissance de l’abîme béant.

Mais cette connaissance de l’abime et cette pensée d’une chute possible n’ont pas besoin de se manifester avec éclat à la conscience. C’est une notion sourde, presque inconnue de nous-mêmes (au moins dans quelques cas), et nos forces faiblissent, alors que nous savons à peine pourquoi.

Prenons encore un autre exemple. Soit un gymnaste faisant dans un cirque des exercices de haute voltige. Si, par accident, il vient à manquer son trapèze, et qu’il tombe sur le sol, ce terrible spectacle va provoquer une émotion extrême. Chaque spectateur aura un battement de cœur violent. Mais chacun ne le percevra pas avec la même netteté. Or, perçue ou non, cette émotion cardiaque n’en