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existera pas moins. Il s’agit là d’un réflexe presque inconscient, mais qui cependant a de la manière la plus nette le caractère psychique, car cette réaction réflexe du cœur suppose la connaissance du danger grave que court le gymnaste, et qu’elle n’a lieu que parce qu’on connaît ce danger.

Ainsi les réflexes psychiques supposent toujours, non la conscience, mais la connaissance, plus ou moins nette, de l’excitation. Dans certains cas, cette connai$sance est absolument précise ; dans d’autres cas, elle est vague et indistincte, tellement confuse qu’elle se confond presque avec la non-connaissance.

Au contraire, d’autres émotions, suivies de réflexes, sont accompagnées d’une conscience extrêmement claire, comme par exemple le réflexe de la rougeur, quand un mot injurieux nous frappe, ou le réflexe des larmes quand nous voyons un ami souffrir. Qu’il y’ait demi-inconscience ou conscience complète, cela ne change pas le caractère purement passif de l’émotion, et ne modifie pas le caractère de fatalité du réflexe produit.

Si le fait de la conscience ou de l’inconscience avait une importance prépondérante pour l’étude des réflexes psychiques, il s’ensuivrait que nous aurions à peine le droit d’étudier les réflexes psychiques des animaux, puisque nous ne savons à peu près rien de leur conscience. Or les mouvements émotionnels des animaux se prêtent admirablement à l’étude des réflexes psychiques, quoique nous ne sachions rien de leur conscience.

Nous appelons peur, dégoût, douleur, amour, des sentiments, des émotions que nous connaissons par notre propre conscience. Certes ces expressions sont tout à fait légitimes quand nous les appliquons à nous-mêmes et aux êtres humains qui certainement nous ressemblent beaucoup. Mais attribuer les mêmes phénomènes de conscience aux animaux, c’est faire une conjecture qui n’est pas toujours très vraisemblable.

Jusqu’à un certain point cette conjecture est autorisée par la similitude des réflexes réactionnels. Chez le chien, la douleur éveille à peu près les mêmes réactions réflexes que chez l’homme, de sorte que j’ai presque le droit de conclure que leur conscience ressent, à peu près comme celle des hommes, la même émotion douleur : mais c’est là assurément une hypothèse, une induction.

Cette induction, à mesure que nous nous adressons à des animaux plus éloignés de nous, devient de moins en m oins vraisemblable. Mon cheval tout d’un coup dresse la tête, puis abaisse les oreilles, fait un écart, et se met au galop. Un linge blanc était devant lui, et je conclus qu’il à eu peur de ce linge. Mais que s’est-il passé dans