Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
401
RICHET.les réflexes psychiques

sa conscience ? Je l’ignore absolument, et je ne peux que très vaguement prétendre que son émotion ressemble à celle d’un individu pusillanime qui, voyant un linge blanc se balancer sur la route, a cru avoir affaire à un fantôme, a pâli, tremblé, claqué des dents, et ressenti une angoisse affreuse.

Si nous nous éloignons plus encore dans la série animale, comment conclure ? Est-ce que toute conclusion ne sera pas de la fantaisie pure ? Un poulpe surpris par le pêcheur jette un flot d’encre. A-t-il eu peur ? Que s’est-il passé dans sa conscience ? Probablement très peu de chose. Le fait de conscience a été très faible, quoique le mouvement de réaction réflexe ait été très fort. Même, pour ma part, je supposerais volontiers que, chez ce poulpe, l’émotion du moi a été des plus confuses, presque indistincte, et se confondant presque avec l’absence de toute conscience.

À vrai dire nous ignorerons toujours ce qui se passe dans la conscience des êtres très éloignés de nous. Nous serons forcés de faire des inductions plus ou moins légitimes, mais ce ne seront rien que des inductions, des présomptions, des conjectures.

Oui, vraiment, je serais tenté de croire que la conscience des animaux est des plus vagues. Leurs émotions sont faibles, confuses, indistinctes, ne ressemblant nullement (je le crois au moins) à la conscience formelle, claire, qui est chez l’être humain qui souffre, qui aime, qui a peur, dégoût ou colère. Il y a chez l’être animé inférieur très peu de conscience ou même pas de conscience. Mais qu’importe ? la réaction réflexe n’en existe pas moins. Il n’y a pas moins de réflexes psychiques chez l’animal que chez l’homme.

La différence entre les animaux inférieurs et l’homme réside au point de vue des émotions dans la différence de conscience, non dans la différence des mouvements réactionnels.

Il faut donc, pensons-nous, dissocier complètement ces deux phénomènes : d’une part la conscience de l’émotion, d’autre part les mouvements qu’elle provoque. On peut supposer des organismes sans conscience. Ces organismes réagiraient tout à fait comme des organismes identiques, mais étant en outre pourvus d’une conscience. Assurément il ne faut pas prendre au pied de la lettre l’hypothèse des bêtes machines de Descartes et de Port-Royal, et l’appliquer à tous les animaux. Mais quant aux animaux inférieurs, à la plupart des invertébrés par exemple, je ne vois aucune raison sérieuse pour leur attribuer une conscience. C’est, je pense, une sorte de grossier anthropomorphisme que de leur attribuer des émotions plus ou moins semblables aux émotions humaines.

Ainsi la conscience ne modifie pas les réflexes psychiques, et la