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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/412

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volonté n’intervient pas. Ce qui détermine la nature de l’acte émotionnel, c’est, d’une part l’organisation, d’autre part la mémoire.

Le mot organisation a un sens à la fois très précis et très vague : Il signifie d’une part que la structure des appareils nerveux est déterminée par la nature de telle ou telle espèce animale ; et d’autre part, il ne nous indique rien sur la fonction même de ces appareils.

Un poulpe, quand il est excité, jette son encre au-devant de lui. Pourquoi ? Parce que son organisation est telle que l’excitation périphérique qui a stimulé les centres nerveux, les provoque à exciter les nerfs moteurs qui font contracter la poche où l’encre est contenue. Nous ne savons, hélas ! rien de plus. Mais c’est déjà quelque chose que de savoir cela, et de pouvoir donner comme raison d’être de ce réflexe la structure anatomique des centres nerveux de ce poulpe.

Pour tous les réflexes psychiques des animaux et de l’homme, la seule explication de l’émotion de la conscience et du phénomène de mouvement qui la suit est l’organisation de l’être. Il nous est par malheur impossible d’aller plus avant, et de savoir par quelles dispositions spéciales des cellules nerveuses la strychnine provoque l’émotion d’amertume et les réflexes du dégoût ; pourquoi un bruit soudain nous fait tressaillir et fermer la paupière. Nous ignorerons probablement longtemps la cause dernière de ces émotions et de ces réflexes ; mais, Ce que nous pouvons affirmer, c’est qu’ils sont la conséquence de l’organisation anatomique de nos nerfs sensitifs, de nos nerfs moteurs, et des centres nerveux où se fait la réflexion.

Aussi, comme l’organisation de tous les animaux d’une même espèce, et même des animaux d’espèce voisine, est très semblable, il s’ensuit que les mêmes réflexes se trouvent en eux, et que la généralité de certains réflexes est très grande.

L’approche rapide d’un objet de l’œil, et un bruit soudain, inattendu, font fermer la paupière à la plupart des mammifères et des oiseaux. La strychnine est amère pour presque tous. Les réflexes de réaction à la douleur sont analogues, chez les uns comme chez les autres. Il y a de très grandes différences évidemment ; mais dans l’ensemble, il y a de très frappantes analogies : or les différences, comme les analogies, sont dues à des différences ou à des analogies d’organisation.

Ainsi l’organisation détermine la nature de l’émotion et de la réaction réflexe. Il suit de là que la fatalité est absolue pour les appareils à réflexion, comme pour tout mécanisme — conscient ou non conscient — qui exécute son œuvre d’après sa structure anatomo-physiologique. Ce n’est pas volontairement qu’on trouve la strychnine