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tation est bien faible, en tant qu’excitation purement physique. Pourtant, le voilà aussitôt qui se lève, qui prend son manteau, qui monte à cheval, qui galope sur la grande route, qui traverse les bois, saute des fossés, etc., etc. Toute cette série d’actions a été la conséquence de l’excitation auditive minime du mot : Partez. De même qu’une légère étincelle tombant sur un tonneau de dynamite démolit une montagne, de même une excitation, absolument insignifiante en elle-même, mais tombant sur un appareil tout préparé, a déterminé une réaction longue, compliquée, multiple, qui ne ressemble plus à ! une réponse réflexe.

Et pourtant tout ce mouvement est encore une réponse réflexe ; mais le caractère réflexe est complètement masqué par le nombre infini des souvenirs accumulés, par la variété des émotions antérieures et des sensations anciennes qui toutes ont laissé leur trace dans la mémoire, et qui font que X. n’est plus seulement un homme ayant les réflexes naturels, liés à l’organisation nerveuse de tout être humain, mais que X. est X., aide de camp du général Y., chargé de porter une dépêche, désirant remplir vaillamment” la mission qui lui est confiée, possédant son individualité bien formelle, bien nette. Un petit mot a mis en branle toute son intelligence, collection d’un amas prodigieux de vieux souvenirs accumulés.

On pourrait, je m’imagine, faire la même analyse pour les actes qui paraissent le plus spontanés, et démontrer qu’ils dérivent tous de l’acte psychique réflexe. Un excitant À provoque une réaction B ; cette réaction B est la réaction psychique d’organisation ; mais, par suite des souvenirs spéciaux à tel individu, l’excitation À va provoquer une série de vibrations plus ou moins latentes, ou conscientes B, C, D, E, F, qui aboutiront en fin de compte à la réaction F, laquelle paraîtra n’avoir qu’une relation très indirecte avec l’excitant A. C’est le réflexe psychique acquis.

Mais, si la réaction F, au lieu d’être un seul mouvement très simple, se compose d’une série de mouvements F, G, H, I, J, K, alors nous ne saisirons plus du tout le lien qui unit l’excitation A et les mouvements successifs F, G, H, I, J, K.

Nous le saisirons d’autant moins qu’il n’y aura plus d’harmonie organisée par avance entre ces divers mouvements. Les souvenirs antérieurs auront créé de nouvelles associations, en auront détruit d’autres, si bien que finalement l’excitation A, au lieu de déterminer la réaction B, va provoquer F, K, M, C, K, L, etc., tous actes qui paraitront sans aucun rapport avec l’excitant réel. Le rapport existera cependant ; mais ce sera un rapport individuel, dépendant de