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RICHET.les réflexes psychiques

l’intelligence propre à tel ou tel individu, et de sa personnalité, c’est-à-dire de ses souvenirs innombrables.

En définitive, nous voyons qu’une chaîne sans fin relie les actes réflexes les plus simples aux actes qui paraissent avoir le plus de spontanéité et le plus de complication.

Pour être complet, il nous resterait à examiner quelle est la nature de ces opérations intellectuelles qui transforment une excitation périphérique en un mouvement réactionnel qui semble sans aucun rapport avec la force extérieure excitatrice : mais ce serait faire l’étude de la mémoire, de l’association des idées et du jugement, c’est-à-dire de la psychologie entière. Il nous suffit de rappeler encore une fois que tous ces actes s’exécutent mécaniquement, automatiquement, en présence de la conscience qui y assiste comme simple spectateur, et que, pour être prodigieusement compliqués, ils sont de même nature que l’acte réflexe élémentaire.

Faisons remarquer enfin que, dans l’un et l’autre cas, c’est toujours l’organisation même de l’animal qui détermine la forme de la réaction motrice. Mais, dans le premier cas, pour le réflexe simple, cette organisation est régulière, constante, fatale, déterminée par l’espèce animale. Nulle variété individuelle ne vient changer l’organisation moléculaire, et par conséquent la dynamique des centres nerveux. Un hanneton, un crabe, un lézard ont les uns et les autres rigoureusement la même organisation nerveuse que tous les hannetons, tous les crabes et tous les lézards de la création. Au contraire, chez les animaux doués de mémoire, les excitations anciennes, innombrables, ont modifié d’une manière durable moléculairement et dynamiquement nos centres nerveux. Tout fait intérieur ou extérieur, chez un animal doué de mémoire, laisse une trace, et une trace durable qui modifie pour toujours et d’une manière définitive notre existence psychologique. La dynamique des centres nerveux d’un chien A n’est pas identique à celle d’un chien B ; car le chien A a vu, entendu, et retenu quantité de souvenirs qui modifient son organisation héréditaire.

De là, en dernière analyse, l’importance prépondérante, presque exclusive et unique, de la mémoire dans les phénomènes intellectuels. Les êtres sans mémoire ont une organisation qui est uniforme, invariable, identique chez tous les individus d’une même espèce. Par conséquent tous les actes des individus d’une même espèce sont uniformes, invariables, identiques, suivant qu’ils répondent a telle ou telle excitation. Au contraire, les êtres doués de mémoire, quoique chaque individu ait au début de sa vie exactement la même