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RICHET.les réflexes psychiques

fiante, font le mort (quelques insectes notamment et beaucoup d’araignées). Si, pendant qu’une grenouille cherche à fuir, on excite un de ses nerfs sensitifs par un courant électrique violent, elle sera comme paralysée, et ses mouvements de défense et de fuite cesseront subitement.

Ainsi les actions psychiques réflexes sont constituées non seulement par des mouvements, mais par des inhibitions de mouvements.

Peut-être l’inhibition n’est-elle que secondaire, liée au trouble profond qui survient dans les viscères et notamment dans l’appareil de la circulation. C’est là un point très délicat de physiologie qu’il est impossible d’aborder ici, d’autant plus que nous avons toujours supposé que la réflexion des excitations se faisait dynamiquement, par voie directe, par une influence immédiate exercée sur les cellules nerveuses, sans qu’il soit besoin d’invoquer l’intermédiaire d’un changement de circulation dans les centres nerveux, ainsi que quelques physiologistes, M. Brown-Séquard entre autres, l’ont parfois supposé. Nous admettrons donc que l’arrêt des mouvements est un phénomène dynamique, direct, une influence inhibitrice exercée par les centres nerveux où siège l’émotion sur les centres qui président à la contraction des muscles qui étaient alors en mouvement.

Le meilleur exemple qu’on puisse donner des actions psychiques réflexes d’arrêt portant sur les muscles volontaires, c’est le vertige. Le vertige n’est qu’une des formes de la frayeur. Il a cela de remarquable qu’il est tout à fait involontaire, admirablement adapté aux nécessités vitales, et absolument psychique, puisqu’il implique une notion, déjà très parfaite, de la nature de l’excitation.

En outre le vertige exerce une action d’arrêt sur tous les appareils organiques, de sorte que, si l’on avait à donner un exemple de réflexe psychique, c’est, je crois, le vertige qu’il faudrait choisir.

Rien n’est plus saisissant que cette inhibition générale produite par voie réflexe. Supposons un individu qui, au sommet d’une montagne escarpée, doit passer par une crête très étroite (large en quelques endroits de quelques centimètres à peine), dominant de chaque côté un précipice à pic de plusieurs centaines de mètres de hauteur. Des passages semblables existent dans bien des massifs montagneux (le pont de Mahomet à la Maladetta par exemple). La vue du précipice produit chez la plupart des individus la sensation de vertige, c’est-à-dire un ralentissement des battements du cœur, un arrêt des sécrétions, la pâleur de la face, etc., et en même temps une paralysie de tous les muscles volontaires, si bien qu’on ne peut plus avancer : la tête tourne, les jambes tremblent, et les mains sont