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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/451

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société de psychologie physiologique

son. À 6 h. 38, Léonie redescend. Je l’entends qui entre dans la cuisine ; et de 6 h. 42 à 6 h. 56, je fais de nouveaux efforts pour l’endormir. Vers 6 h. 45, en causant avec C., elle dit qu’elle a très envie de dormir, et qu’elle est toute tremblante. Pour éviter ce sommeil, elle se trempe les mains dans l’eau froide ; mais cela ne lui suffit pas, dit-elle. Alors C. lui conseille de se mouiller la tête et le front avec de l’eau froide (heureusement Léonie ne suit pas ce conseil ; car il paraît que dans ces conditions cela lui donne une crise violente). Vers 6 h. 49 elle s’assoit, s’accoude sur la table de la cuisine, avec sa tête reposant dans la main gauche. À 6 h. 52, Mme X., étant entrée pour la première fois dans la cuisine, vient m’avertir qu’elle est endormie, et en effet à 6 h. 55 j’arrive près de Léonie, et je la trouve en état de somnambulisme. Elle me dit : « Pourquoi n’avez-vous pas attendu encore quelque temps ? J’allais venir dans le salon, puisque vous m’appeliez. »

Cette expérience est celle qui me paraît avoir le plus de valeur. Elle m’a donné cette impression personnelle subjective, dont parle quelque part M. Ochorowicz, et qui entraîne la conviction. En effet rien n’était plus invraisemblable que le fait de supposer ma présence. Je suis certain que Léonie ne s’est pas consciemment doutée que j’étais resté dans la maison. — Puis j’avais dit avec tant de sincérité que je partais, que je ne voulais pas faire d’expériences, qu’elle n’a pas pu supposer chez moi une intention que je n’avais pas. Enfin Mme X., la seule personne qui connût ma présence et mon intention, n’a pas vu Léonie de 6 h. 20 à 6 h. 52, et quand elle l’a vue, à 6 h. 52, Léonie était déjà en somnambulisme. Elle à parlé une fois à C., mais C. ne se doutait de rien, si bien que les actes et les gestes de C. (qui ignorait ma présence) ont été absolument incapables d’apprendre quoi que ce soit à Léonie.

Cependant, si excellente qu’elle soit, cette expérience a un côté défectueux : c’est que j’avais l’habitude d’endormir Léonie tous les jours de 4 h. à 6 h. 1/2 et que précisément ce jour est le seul où je ne Paie pas endormie comme d’ordinaire. C’est une objection à la valeur absolue de l’expérience, je le sais, mais l’objection n’est pas très forte car Léonie s’est endormie vers 6 h. 50, c’est-à-dire à l’heure où ordinairement je la réveille : de sorte que, si elle avait pris l’habitude de s’endormir tous les soirs, ce jour-là, il faut admettre qu’elle se serai endormie précisément à l’heure à laquelle elle se réveille.

Une objection plus sérieuse se présente. Quoique je n’aie fait aucun bruit, il est possible que Léonie inconsciente se soit doutée de ma présence. Je ne puis pas donner de preuves du contraire, de sorte que, si cette expérience est un succès complet au point de vue du sommeil, il reste encore un point douteux, c’est de savoir si Léonie n’aurait pas soupçonné, par un moyen que j’ignore, que j’étais resté dans la maison.

Huitième expérience. — Je ne cherche à l’endormir ni le samedi,