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ni le dimanche, et, chaque fois que j’arrive, je la trouve tout à fait éveillée. Sans lui rien dire, je me décide à lendormir le lundi matin : le tirage au sort pour l’heure est fait le lundi matin, et désigne ? heures. Je ferai remarquer que cette heure de 2 heures était tellement incommode pour moi, que j’ai été sur le point d’y renoncer ; mais, toute réflexion faite, je persiste à faire l’expérience à 2 heures. Car précisément le tirage au sort a cet avantage d’éliminer les heures appropriées à mes convenances, et par conséquent probables.

Le lundi, chez moi, sans que personne sache rien de mes intentions, de 1 h. 38 à 1 h. 50, je fais effort pour endormir Léonie. J’arrive chez M. X. à 2 h. 5. Comme il m’avait donné la clef de son appartement, j’entre sans faire de bruit, et je vais trouver Mme X. dans sa chambre. Mme X. va alors dans la petite pièce, attenant à la salle à manger, et trouve Léonie en état de somnambulisme. Elle peut cependant répondre, mais répond les yeux fermés, et ne travaille plus à un bas qu’elle reprisait. Mme X. revient me trouver dans le salon. De 2 h. 5 à 2 h. 15, je fais effort pour endormir plus profondément Léonie et la faire venir dans le salon où je suis. Mais je ne réussis pas à cela. À 2 h. 15, Mme X. va chercher Léonie et l’amène dans le salon. Léonie est toujours en état de somnambulisme ; elle a les yeux fermés, se heurte en marchant contre les murs et les meubles, se laisse conduire docilement, sans réagir, se laisse mettre un manteau sur l’épaule (afin de ne pas avoir froid). Mme X. la fait asseoir sur un fauteuil, je m’étais caché dans une petite pièce obscure, attenant au salon, et je pouvais observer Léonie sans être vu, et sans que ma présence pût être soupçonnée. De 2 h. 15 à 2 h. 20 je fais effort pour la décider à se lever et à venir me trouver dans la petite pièce où j’étais. Mais ç’a été sans aucun succès. Cependant je pouvais observer Léonie par une fente de la porte : elle était endormie, immobile, les yeux fermés, tenant son ouvrage à la main, mais ne travaillant pas. Quand Mme X. l’avait amenée dans le salon, elle avait dit : « Mais je suis éveillée. » C’a été la seule parole qu’elle ait prononcée ; mais elle l’a dite les yeux fermés, et étant en état de somnambulisme.

À 2 h. 20, je sors du cabinet où j’étais caché, je lui parle et je la trouve en état de somnambulisme. Elle me dit que c’est moi qui l’ai endormie, à 1 h. 20 environ. C. me dit qu’à 1 heure, aussitôt après son déjeuner, Mme B. s’est retirée toute seule dans la petite pièce. L’heure de 1 h. 20 ne concorde pas du tout avec l’heure à laquelle j’ai fait effort pour l’endormir.

Cependant, par suite d’une circonstance tout à fait spéciale, j’ai pu déterminer avec une grande précision l’heure à laquelle Mme B. s’est endormie. En effet on peut admettre qu’elle a cessé de travailler à l’aiguille, au moment où elle a été endormie. Elle a commencé à repriser un bas entre 1 heure et 1 h. 5. Par conséquent la mesure du : travail exécuté par elle donne une indication assez exacte du temps pendant lequel elle est restée éveillée. Or le travail de reprise exécuté par