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société de psychologie physiologique

III

Je ne crois pas, dans l’état actuel, si limité, de nos connaissances, qu’il nous soit permis de discuter la théorie de ce phénomène, Mais la critique expérimentale doit s’exercer sévèrement sur la réalité du fait. À vrai dire, il n’y a que le fait d’intéressant : toute théorie serait oiseuse et ridicule.

Tout d’abord il faut laisser de côté l’hypothèse de la simulation voulue, machinée avec art, et poursuivie avec ténacité. Léonie B., que M. Janet et M. Gibert ont observée pendant de longs mois, que M. X. et moi, nous avons, dans le cours d’un mois, interrogée, examinée, observée, scrutée, pendant des journées entières, ne simule pas et ne trompe pas volontairement. Cela est aussi certain que la bonne foi de M. Janet, de M. Gibert ou de moi.

Mais, sans tromper volontairement, on peut désirer réussir, et l’autre simulation — ou la simulation inconsciente — doit toujours être soupçonnée. Par exemple que Léonie B. vienne à savoir, par un moyen quel conque, que le lendemain à 3 heures j’essayerai de l’endormir ; on peut être assuré que le lundi à 3 heures, quoi que je fasse, elle s’endormira. Je n’ai pas fait l’expérience, mais je suis convaincu qu’elle réussirait. À vrai dire, elle ne prouverait rien contre la réalité du sommeil à distance. Elle établirait seulement, ce qui a à peine besoin de l’être — que Léonie B. est sensible à l’auto-suggestion, à l’expectant attention, etc., de quelque mot qu’on nomme cette influence puissante, souveraine, que l’attente et l’imagination exercent sur l’état affectif et intellectuel.

Donc, il est absolument nécessaire que Léonie ignore et l’heure et le jour où on veut l’endormir ; et il faut, contre sa simulation inconsciente, prendre autant de précautions que contre la simulation consciente d’un imposteur. Or c’est ainsi que j’ai procédé, et, dans toutes les expériences que j’ai rapportées, il lui était, je pense, tout à fait impossible, quelle que fût sa perspicacité, de deviner l’heure à laquelle j’avais agi (sauf pour l’expérience I, qui d’ailleurs a échoué).

Si l’on prend la corrélation des heures, on trouve les chiffres suivants :


Effort d’action.
Effet ressenti.
Retard.
11re Expér. 19h à 19h10
9h20
20′
12e Expér. 13h10 à 13h45
3h30
20′
13e Expér. 11h1 à 11h8
11h4
13′
14e Expér. 11h56 à 12h4
Rien
15e Expér. 11h5 à 11h25
Rien
16e Expér. 19h11 à 19h26
19h18
17′
16e Expér. 11h15 à 11h40
11h35
20′
17e Expér. 16h20 à 16h52
16h45
25′
18e Expér. 11h38 à 11h50
11h45
17′
19e Expér. 16h55 à 17h
Rien

Donc, dans les six expériences qui ont réussi, il y a eu constamment entre le moment où l’action a commencé et le moment où l’effet a été