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intelligences dont il s’agit. Nous ne pouvons même rien affirmer scientifiquement au sujet des aptitudes cérébrales inexercées qui auraient pu se manifester chez Gambetta et chez Bertillon si l’un et l’autre avaient été soumis à des conditions de développement intellectuel différentes, si toutes les influences mésologiques qui ont agi sur l’un avaient au contraire agi sur l’autre et vice versa. Aussi bien la présente étude n’a-t-elle pour but que l’utilisation de deux cas intéressants, en attendant qu’on puisse raisonner sur des caractères cérébro-psychologiques de groupes et non sur des caractères individuels.

II. — On peut encore comparer Gambetta et Bertillon au point de vue de la forme générale du cerveau. Cette comparaison a été faite dans le Bulletin de la Société d’anthropologie[1], où elle est accompagnée de deux figures représentant les contours superposés des deux moulages intracraniens, car c’est seulement sur ces moulages que l’on peut étudier la forme réelle de l’encéphale telle qu’elle était dans l’intérieur du crâne. Les principaux faits établis ont été les suivants :

Bien que l’encéphale de Gambetta fût plus petit que celui de Bertillon, le cervelet était cependant plus petit chez ce dernier, ainsi que le lobe sphénoïdal. La différence porte presque exclusivement sur la hauteur de ces deux régions, qui sont à peu près aussi étendues sur un encéphale que sur l’autre dans le sens horizontal.

Toutes les autres régions cérébrales sont plus petites chez Gambetta que chez Bertillon, surtout la région frontale, dans tous les sens. Au point de vue de la forme générale de l’encéphale, on peut dire que Bertillon présentait le type frontal, tandis que Gambetta présentait le type temporo-pariétal, d’après le sens de son plus grand développement. En d’autres termes, chez Gambetta comparé à Bertillon, le lobe frontal était non seulement petit d’une façon absolue, mais encore petit relativement au reste de l’encéphale, tandis que son lobe sphénoïdal et son cervelet étaient volumineux absolument et relativement. Ses lobes pariétal et occipital n’étaient volumineux que relativement au reste du cerveau.

Ce sont là des faits très apparents et démontrés avec précision dans le mémoire cité plus haut. Il s’agit maintenant de les interpréter psychologiquement, ce qui est moins facile.

Ce n’est pas que la science manque, sur ce point, de données générales. L’anatomie comparative en a fourni plusieurs qui sont établies sur des milliers d’observations cérébrologiques et surtout craniologiques. On sait que Gratiolet considérait le type cranien frontal comme représentant la forme la plus élevée, la plus perfectionnée[2]. L’illustre anatomiste, mis en présence de deux contours encéphaliques semblables à ceux dont il est question, n’eût pas hésité à déclarer que l’un était celui de quelque sauvage et l’autre celui d’un homme supérieur. Sans doute une telle opinion eût été trop hâtive ; il n’en est pas moins

  1. Chudzinski et Manouvrier, Description du cerveau de Bertillon, 1887.
  2. Leuret et Gratiolet, Anat. comp. du système nerveux.