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PAULHAN.l’associationnisme et la synthèse psychique

chent à son objet. Tous les phénomènes appelés psychiques ne sont que des signes des divers processus qui s’accomplissent dans l’organisme, et qui constituent la réaction de l’individu. Il résulte de cette conception que les faits de conscience ne sont nullement la matière de la psychologie, ils ne sont qu’un moyen d’arriver au résultat cherché ; ils doivent être observés au point de vue de la psychologie générale non pour eux-mêmes, mais pour les tendances dont ils sont les signes. (Je laisse de côté, comme je le fais dans ces études de psychologie, la question de l’interprétation dernière des phénomènes et de la réalité de la matière.)

Il paraît évident tout d’abord que les lois de ressemblance et de contiguïté ne peuvent à ce point de vue servir à exprimer synthétiquement l’activité mentale. Elles ne nous donnent nullement la principale forme des actions et des réactions de l’organisme en présence du milieu. Elles négligent absolument la principale fonction de l’esprit : la coordination des impressions et des actes. Elles font abstraction du caractère principal de celui sans lequel l’esprit ne serait pas l’esprit, la finalité. C’est cette coordination, cette synthèse psychique qu’il faut constater d’abord. Alors même que l’on retrouverait toujours, dans tous les actes de l’esprit, les lois de la ressemblance et de la contiguïté, ce qui d’ailleurs ne se vérifie pas, il faudrait encore constater que ces deux lois elles-mêmes se manifestent en se soumettant à une loi supérieure, la loi de systématisation, sans laquelle l’esprit ne subsisterait plus, et qui exprime seule la forme essentielle de l’activité mentale considérée au point de vue synthétique de la psychologie générale.

Ce point de vue synthétique a d’ailleurs été négligé complètement par l’école associationniste. Les psychologues de cette école n’ont pas même l’air d’avoir aperçu le problème. Ils n’ont vu que la matière de l’esprit, les impressions, les idées, sans prendre garde à la loi la plus générale qui unit ces idées et ces impressions, et ils ont défini l’esprit soit comme Hume « un faisceau de perceptions », soit comme Bain « l’opposé de la matière ou, pour mieux dire, de ce qu’on appelle le monde extérieur ». C’est à peu près comme si on définissait le Parthénon en disant que c’est un tas de pierres.

« Pour définir l’esprit, dit encore Bain, il faudrait enfermer dans quelques mots, par une généralisation convenable, toute la famille des faits mentaux, et en exclure tout ce qui a un caractère étranger. » On voit toujours le même vice dans la conception de l’esprit. Spencer a évité cet écueil en définissant l’esprit par l’adaptation des relations internes à des relations externes. L’école expérimentale française a su également éviter l’écueil de l’associationnisme, sans l’avoir