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cependant, à ma connaissance, critiqué formellement. On trouve par exemple dans les ouvrages ou les articles de MM. Taine, Ribot, Espinas, un souci constant des lois générales de coordination, et l’appel aux lois de contiguïté et de ressemblance est bien moins fréquent chez eux que chez les psychologues anglais. On peut faire la même remarque au sujet des physiologistes ou pathologistes psychologues anglais, MM. Maudsley, Ch. Bastian, Ferrier, etc., qui ne font pas un usage exagéré des lois de l’association.

Nous aurons plus loin l’occasion de voir à propos de phénomènes psychiques particuliers toute l’insuffisance des lois de ressemblance et de contiguïté. Il ne s’agit ici que de la conception générale de l’esprit et c’est à ce point de vue que l’on peut faire encore d’autres objections à la théorie anglaise de l’associationnisme.

Il est impossible à l’heure actuelle de séparer absolument les processus actifs qui s’accompagnent de conscience, et ceux qui s’accomplissent sans éveiller en nous aucun phénomène subjectif. On sait qu’il y a entre les deux formes des phénomènes tous les degrés possibles de transition. On sait que des actes exécutés d’abord avec attention et conscience deviennent peu à peu moins aperçus et puis tout à fait inconscients. On sait que certaines actions, certaines tendances sont tantôt conscientes, tantôt inconscientes. L’habitude, l’instinct sont des phénomènes qui rentrent certainement dans la psychologie, et l’association des états de conscience ne paraît pas pouvoir les expliquer. Comment en effet, si elle ne s’applique qu’aux états de conscience, s’étendrait-elle aux actes inconscients ? Il faut donc transporter à l’activité physiologique les lois de l’association, si on veut les conserver, et nous trouvons alors que pour des raisons analogues à celles que nous avons exposées déjà, les lois de contiguïté et de ressemblance ne sauraient exprimer l’ordre général des phénomènes biologiques, parce qu’elles négligent la finalité immanente des phénomènes, et qu’elles n’expriment pas les lois selon lesquelles s’effectuent les associations par contiguïté et ressemblance, à supposer même que la contiguïté et la ressemblance soient de véritables principes secondaires d’association.

III

Abordons maintenant l’examen de diverses classes de phénomènes qu’on prétend expliquer par les lois de l’association. Deux questions se posent : la première est de savoir si les lois d’association et de contiguïté peuvent, à elles seules, expliquer les phénomènes de l’esprit ou s’il faut admettre encore une loi de systématisation qui en