Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/482

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
472
revue philosophique

Cette opinion s’exprime dans une terminologie spéciale qu’il convient de bien connaître. Jusqu’ici nous n’avons parlé que de la conscience du mouvement ; quelques psychologues remplacent cette expression par celle de sens de l’effort — et alors on s’est demandé si le sens de l’effort précède le mouvement ou le suit. « L’effort, dit M. Joly, se sent-il avant que le mouvement qu’il commande soit exécuté ? » On voit que c’est la même question, posée en d’autres termes. Quant à nous, nous préférons écarter le terme de sens de l’effort, comme nous avons écarté celui de sens musculaire, parce que ce sont des expressions ambiguës. Qu’est-ce que l’effort ? Ce mot représente à l’esprit une idée beaucoup moins claire que celle de sensation de mouvement. Duchenne de Boulogne donnait au sentiment de la décharge motrice le nom assez vague et assez mal défini de conscience musculaire. Il ne faut pas confondre, dit-il, la conscience musculaire qui, dans l’acte des mouvements volontaires, semble précéder et déterminer la contraction, avec la sensation qui donne le sentiment de la pesanteur, de la résistance, etc. (sensation centripète). » Müller employait le mot « sens de la force » et Hamilton celui de « faculté locomotrice ». Nous croyons qu’il est urgent de simplifier cette terminologie encombrante, et de conserver le terme « sentiment de la décharge motrice » pour désigner cette sensation hypothétique qui serait distincte des sensations centripètes du mouvement.

Enfin, on désigne couramment l’hypothèse que nous exposons sous le nom de l’hypothèse du courant centrifuge ; cette expression est assez claire ; elle envisage le phénomène sous son aspect physiologique. Ceux qui combattent cette hypothèse sont dits soutenir la thèse adverse du courant centripète. Nous espérons qu’après les explications que nous avons fournies, toute cette terminologie est bien comprise de nos lecteurs. Quant aux conclusions physiologiques qui dériveraient de cette hypothèse, si elle passait à l’état de vérité démontrée, elles sont fort importantes, mais on ne peut pas les réunir dans une formule unique, car les auteurs qui soutiennent la thèse dite centrifuge du sens musculaire ont présenté des opinions fort divergentes sur ce point.

Mais avant de se perdre dans la discussion des hypothèses accessoires, il faut d’abord s’assurer si l’hypothèse principale présente quelques fondements.

Un simple coup d’œil jeté sur la question en fait reconnaître la difficulté. Supposons un moment que le sentiment de l’innervation motrice existe, que la conscience de la décharge ne soit pas un vain mot. Comment pourra-t-on distinguer cet état de conscience des.