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mettre le membre en mouvement ; dès lors cette impression ravivée devient une des bases de notre idée de l’acte. Lorsque nous nous représentons un acte à accomplir, nous pouvons indifféremment nous le représenter sous deux formes ; ou bien sous la forme visuelle, ou bien sous la forme kinesthétique. Avant de lever le bras, je puis voir, dans mon esprit, l’acte d’élévation de mon bras, ou encore je puis sentir vaguement, par anticipation, l’impression que je vais provoquer dans mon bras en le soulevant. Il est à supposer que ces deux représentations si différentes se fusionnent l’une avec l’autre, chez un sujet normal, et, toutes les fois qu’il s’agit d’exécuter un acte appris et connu, la représentation de l’acte qui précède le fiat de la volonté est de nature double, à la fois visuelle et kinesthétique.

Il en résulte que l’impression kinesthétique qui était primitivement une conséquence du mouvement, en devient un antécédent ; du rôle d’effet elle passe au rôle de cause ; en se réveillant dans l’esprit de l’individu, elle tend à produire le mouvement auquel elle s’est trouvée d’abord associée et devient ainsi finalement une cause d’excitation motrice.

Il y a plus le rappel des impressions kinesthétiques, avant l’exécution du mouvement, permet à l’individu de déterminer, suivant l’observation judicieuse de Bastian, comment il peut agir et quelle force il faut employer, tandis que, pendant l’exécution du mouvement, les sensations kinesthétiques qui se manifestent apprennent à l’individu comment il agit et quelle force il emploie.

Comment donc sera-t-il possible de distinguer du sentiment de la décharge motrice ces états de conscience multiples qui concourent tous à la même fin, à la perception du mouvement et à sa régulation ? Chez l’homme normal, essayer de faire une pareille distinction, c’est tenter l’impossible. L’observation subjective ne peut aboutir à aucun résultat. Restent les cas pathologiques. Nous allons voir quelle lumière on peut tirer de l’hystérie.

III

Nous avons rappelé plus haut que, chez beaucoup de malades hystériques, on rencontre une insensibilité non seulement superficielle, limitée à la peau, mais encore profonde, s’étendant aux parties sous-jacentes, c’est-à-dire aux muscles, aux tendons, aux aponévroses, aux surfaces articulaires. C’est dire que, chez ces sujets, les sensations centripètes de mouvement, ou sensations kinesthétiques, sont abolies. La preuve la plus simple qu’on puisse en donner, c’est que