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certains autres sujets d’une paralysie transitoire. Nos observations personnelles nous ont conduit à admettre l’explication suivante qui nous paraît être plus qu’une hypothèse, mais que nous donnons néanmoins avec une certaine réserve.

Commençons par étudier les sujets si curieux dont l’obscurité paralyse les membres insensibles. Cette inaptitude aux mouvements ne paraît pas tenir, à notre avis, à l’absence des sensations kinesthétiques ; elle lient à d’autres causes et rentre dans la catégorie de faits qui ont été illustrés dernièrement par M. Ch. Féré. D’après les observations de ce clinicien, il existe beaucoup d’hystériques et de névropathes chez lesquels une excitation physique ou mentale amène temporairement un accroissement notable, une dynamogénie, de toutes les énergies de l’organisme ; les sujets que nous étudions en ce moment ont besoin de cet accroissement de force pour remuer leurs membres ; s’ils se meuvent facilement les yeux ouverts, c’est que l’excitation de la volonté se trouve alors renforcée par l’excitation de la lumière ; l’addition de cet excitant leur est nécessaire : quand ils en sont privés par la fermeture des yeux, ils n’ont plus la force de soulever leurs membres.

Une observation récente peut être citée en faveur de cette opinion ; je l’ai faite sur une hystérique que la fermeture des yeux réduit à une impuissance motrice presque complète. Cette hystérique est hémianesthésique droite ; la moitié droite de son corps est insensible ; la moitié gauche conserve la sensibilité superficielle et profonde ; ainsi le sujet perçoit très exactement sans le secours des yeux les mouvements qu’on imprime à son bras gauche. Or, lorsqu’on lui commande d’exécuter des mouvements les yeux fermés, on constate que le bras gauche, bien qu’il ait conservé la sensibilité kinesthétique, n’accomplit les mouvements qu’avec une lenteur extrême ; lorsque le sujet veut toucher son front avec sa main gauche qui est posée sur ses genoux, on voit la main ramper lentement le long du corps, sur la poitrine, sur le cou et arriver après des efforts répétés et au bout de vingt secondes au moins jusqu’au front ; la main droite, qui a totalement perdu la sensibilité kinesihétique, ne se comporte pas différemment, sauf que de ce côté le mouvement de reptation est encore plus lent et plus pénible. Il est donc bien probable que la parésie hystérique déterminée par l’occlusion des yeux ne s’explique pas par une perte du sens musculaire, puisqu’elle peut exister, à un certain degré, dans des membres où le sens musculaire n’est pas aboli ; c’est un phénomène d’un tout autre ordre.

Éludions maintenant les malades auxquels la fermeture des yeux