Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
revue philosophique

lui-même ou voir tirer des coups de fusil dans de semblables circonstances. Il a pu voir des phénomènes analogues à celui qui fait la base de son raisonnement. Mais ce que la loi de similarité ne suffit pas à expliquer, c’est ceci : comment se fait-il que ce soient ces associations-là qui reviennent et non d’autres, car au point de vue de la loi de ressemblance, l’oiseau en volant pourrait suggérer soit par sa couleur, soit par sa forme, soit par les caractères particuliers de son vol, bien d’autres associations qui n’eussent nullement convenu à la circonstance. C’est dans ce dernier caractère, la convenance, qu’il faut chercher le pourquoi, la cause directrice de l’association. Parmi toutes les impressions que la ressemblance aurait pu susciter, parmi tous les états de conscience qu’elle aurait pu faire naître, ceux-là seuls ont été produits qui pouvaient s’harmoniser avec les impressions dominantes du même moment. Il y a ici une sélection opérée par l’organe psycho-physiologique, une systématisation réelle dont la cause est non dans la loi de similarité, mais dans l’organisation acquise du système nerveux et de l’esprit.

On pourrait multiplier les exemples. Je veux aller prendre le train, j’ai deux kilomètres à faire à pied, je regarde ma montre et je vois que le train partira dans cinq minutes, j’en conclus que je ne puis pas partir. Il y a encore ici des associations apparentes, par similarité ; de nombreuses expériences ont pu m’apprendre combien de temps il fallait pour parcourir à pied le chemin qu’il me faut faire, et que les trains de chemins de fer partent généralement à l’heure dite. Mais pourquoi toutes ces idées s’éveillent-elles en moi à la vue de ma montre ? tout aussi bien la blancheur de l’émail du cadran aurait pu me faire penser à la neige, ou au lis, ou la vue des aiguilles me rappeler celle des horloges que j’ai pu voir, ou enfin ma montre me rappeler d’autres montres. Aucune de ces associations ne s’éveille pourtant. C’est qu’il y a encore ici un système directeur et une sélection, c’est que je veux partir et toutes mes idées s’organisent de manière à former un système qui converge vers ce but. Comme dans le cas précédent, il n’y a pas des associations par similarité, il y a finalité et systématisation.

De même pour la contiguïté. Une sensation ou une idée peut souvent réveiller par contiguïté un nombre incalculable d’idées différentes. Cependant elles ne se réveillent pas toutes à la fois. Qu’est-ce qui détermine le choix. Évidemment c’est l’état momentané ou persistant de l’organisme et de l’esprit. Si je prends un livre dans ma bibliothèque pour le consulter, je ne pense pas pour cela à tous les livres qui sont sur le même rayon, et si ce livre m’en rappelle un autre, ce sera sans doute un autre livre qui pourra me venir en aide en ce