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PAULHAN.l’associationnisme et la synthèse psychique

qu’il me donnera des renseignements utiles pour le sujet qui m’intéresse en ce moment et non un livre qui se trouve à côté du premier ou qui lui ressemblera par le format ou la couverture. Ici encore il y a systématisation plutôt qu’association par ressemblance ou contiguïté. Si le souvenir des livres qui sont à côté s’éveille en moi, c’est que j’ai d’autant plus de chance de trouver mon livre que je connaîtrai ceux qui sont près de lui. On peut faire des objections aux remarques précédentes.

On peut dire par exemple ou bien que le choix, la systématisation est déterminée aussi par les lois de ressemblance et de contiguïté, ce qui peut se faire de plusieurs manières. Nous aurons à examiner cette objection.

Les associationnistes ont bien aperçu ce fait que plusieurs séries d’associations sont généralement possibles et que l’une seule d’entre elles se réalise. Bain a bien décrit le phénomène selon son habitude, mais il ne paraît pas en avoir tiré toutes les conséquences.

« Quand je regarde une montagne, dit-il, plusieurs séries se présentent à moi, dans lesquelles je peux m’engager à propos de l’objet qui est devant mes yeux. En vertu de la contiguïté je peux penser aux autres montagnes de la chaîne, aux plaines et aux villages situés au delà, à la composition minérale de la masse, à la flore qui s’y étale, à sa structure géologique, aux événements historiques qui s’y sont accomplis. En vertu de la similarité je peux penser aux montagnes que j’ai vues en d’autres pays, dans des tableaux ou dans les descriptions des poètes, aux formes géométriques avec lesquelles cette montagne a de l’analogie, à des effets artistiques équivalents. Toutes ces voies me sont ouvertes, mais il arrive que je m’engage dans l’une d’elles de préférence et cette préférence a un motif. Il se peut que l’une des associations ait acquis par la répétition plus de force que les autres, peut-être suis-je habitué à associer ensemble la montagne et le village voisin, et conduit comme par une transition naturelle à suivre cette association particulière. Nous trouvons une autre cause dans la présence d’un second lien d’association. Si je vois la montagne attenante, je peux m’engager dans l’association qui me fait parcourir toute la chaîne. Si j’aperçois le reflet des cascades, j’ai un double lien de contiguïté qui porte mon esprit à la rivière qui coule du flanc de la montagne, etc.

« Je supposerai un autre cas. Une violente tempête a fait déborder les rivières, arraché les arbres, renversé les maisons et jeté partout la terreur. Les séries de pensées que suggère chacun de ces incidents sont extrêmement variées et dépendent de la disposition mentale de l’observateur à d’autres points de vue, ou des idées spéciales qui se