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CH. SECRÉTAN.questions sociales

classe. Nous ne le pensons pas, moyennant qu’en ceci comme en toute chose on sache se contenter d’un à-peu-près. L’objet en vue étant précis et les besoins partout semblables, l’acte réclamé ne serait pas très difficile à rédiger, à telles enseignes que les corps législatifs de plusieurs pays possèdent ou préparent des lois sur cette matière qui sont des copies les unes des autres. La force de la défense est moins le rempart que la garnison. Les difficultés intrinsèques de la mesure préparée serviront de réduit aux mauvais vouloirs.

Ce qui donne à la Fédération générale une couleur chimérique, ce n’est pas seulement la force des États actuels, ce n’est pas la grandeur des intérêts et l’intensité des sentiments qui s’y rattachent, on pourrait trouver des compensations à ces facteurs ; c’est plutôt la difficulté de constituer en dehors des États particuliers un pouvoir arbitral assez considérable pour faire respecter ses décisions par les États fédérés, sans être lui-même un État capable d’opprimer et d’absorber les autres. Semblablement, dans l’affaire qui nous occupe on alléguera les difficultés d’exécution. Si, pour faire respecter a journée normale de travail, il fallait instituer une commission de surveillance qui disposât de forces militaires ou pût seulement dénoncer les infractions d’office et citer les États en défaut devant un Congrès, nulle puissance ne songerait à s’engager dans une telle entreprise sans l’espoir d’en profiter pour étendre sa domination. Mais à première vue nous inclinerions à croire qu’ici la promulgation de la règle suffirait, sans contrôle officiel et sans appareil exécutif ; parce qu’une fois la règle connue, ceux qui la réclament aujour-d’hui dans chaque pays sauraient assez l’y faire observer pour que les autres pays n’eussent pas à souffrir bien sérieusement des irrégularités commises. Mais aussi longtemps que la proposition est à l’étude, il est clair que la perspective d’un contrôle étranger du travail national tend à la discréditer. Indépendamment de ce péril plus ou moins sérieux, la fierté des gouvernements, le patriotisme des citoyens s’oppose à toute intervention de l’étranger dans la législation intérieure. Le principe de la souveraineté ne serait pas compromis par le concordat proposé, puisque la souveraineté même implique le pouvoir de s’engager et permet toujours de se dégager par la guerre ; mais ce dernier procédé, correct en principe, ne serait à l’usage que d’un bien petit nombre, lorsqu’il s’agirait d’un engagement pris envers tous les peuples civilisés. La dignité est un argument préalable qui coupe court aux discussions gênantes ; le patriotisme est un manteau magnifique dont se couvrent parfois des intérêts moins généreux. Si la mesure ne peut aboutir que par un