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pas moins. Peu importe qu’elle établisse ou non cette relation, la relation existe, et son mouvement est un réflexe psychique au même titre que le réflexe de fuite provoqué chez un lièvre, par la vue d’un chien. Il est vrai que la somnambule n’a pas conscience du lien qui unit le papier avec le fait de le jeter au feu. Mais la conscience ou l’inconscience des enchaînements intellectuels qui unissent l’excitation extérieure avec la réponse motrice, ne modifient pas le caractère fatal de cette réponse motrice. Ignorer d’un de nos actes qu’il est réflexe, cela ne lui ôte pas son caractère réflexe.

Un schéma va rendre compte de ce que nous voulons dire. Soit l’excitant A qui provoque un mouvement réflexe A′ par l’intermédiaire des centres nerveux. Si l’excitant est simple, et s’il s’agit d’un réflexe d’organisation, nous voyons clairement qu’il y a une relation entre A et A′. Appelons B l’émotion unique, simple, provoquée par l’excitant A, et nous reconnaitrons à l’acte psychique réflexe A, B, A′, le caractère réflexe, fatal, involontaire[1].

Si le réflexe est plus compliqué, par exemple, je suppose, avec les idées B, C, D, E, F, G, H, interposées entre A et A′, le caractère réflexe deviendra plus douteux : et d’autant plus douteux qu’il y aura entre A et A′ un plus grand nombre d’idées interposées. Mais enfin, tant que la conscience pour a connaître la chaine qui unit A′ à A, nous serons forcés de reconnaître la nature réflexe du phénomène. Un oiseau part (A), c’est une sensation visuelle (B), un oiseau (C) qu’il faut tuer (D) ; qu’il faut tuer avec un fusil (E) : il faut lever le fusil (F) et alors (A′) on fait le mouvement d’élévation du fusil. Mais nous reconnaissons encore là le caractère demi-réflexe, demi-volontaire, du phénomène, parce que la conscience saisit la série des chaînons intermédiaires entre l’excitation et le mouvement.

Supposons au contraire que ces relations, tout en existant réellement, soient, pour une cause ou une autre, méconnues de la conscience. Le mouvement A′, dû à l’excitation A, se produira, sans que nous ayons la moindre notion consciente des chainons B, C, D, E, F, G, H, qui unissent A à A′, et font que A′ succède à A. C’est le cas de la somnambule qui ignore ces chaînons intermédiaires, et jette au feu le papier (A), sans savoir pourquoi elle fait cet acte, puisque les chainons B, C, D, E, F ne sont plus dans sa conscience.

Ne sachant pas pourquoi A′ succède à A, elle attribue le fait A′

  1. Il va sans dire que c’est là un schéma fort grossier, qui n’a guère de rapport avec la réalité, et qui ne sert qu’à rendre plus claire ma pensée.