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On comprend pourquoi ce réflexe d’émotion est appelé psychique. C’est que l’émotion du centre D est tout à fait psychologique (ou alors le mot psychologique est vide de sens). Car l’émotion est un fait de conscience, une affection de l’âme, tandis que les centres moteurs ne sont excités que proportionnellement à l’intensité de cette affection psychique. La quantité de l’excitation des nerfs sensitifs ne joue directement aucun rôle ; c’est le degré d’excitation du centre émotif qui fait tout.

Ce qui rend le phénomène très complexe, c’est que presque toujours, pour une seule et même excitation, les trois réflexes ont lieu simultanément, de sorte qu’il faut superposer les figures 1, 2, 3, pour avoir la conséquence d’une excitation sensible, qui provoque en même temps un réflexe simple (1), un réflexe d’adaptation (2) et un réflexe d’émotion (3).

Tels sont les phénomènes qui se passent chez les animaux non doués de mémoire. Or, comme l’organisation est presque identique chez les animaux de même espèce, de même race, de même âge et de même sexe, en leur état physiologique normal, il s’ensuit que telles excitations qui font vibrer le centre D chez une tortue, je suppose, feront vibrer le centre D chez toutes les tortues. Quoiqu’il n’y ait aucun rapport physico-chimique appréciable entre tel excitant qui fait vibrer le centre D et la vibration de D, il suffit de constater que cet excitant a fait vibrer le centre D chez une tortue, pour qu’il fasse vibrer de même le centre D de toutes les tortues.

Bien plus, les animaux étant les uns et les autres construits sur un type très uniforme, en général ce sont les mêmes excitations qui, chez les espèces voisines, font vibrer le centre D. Il existe ainsi un petit nombre d’émotions élémentaires, la peur, le dégoût, la douleur, la colère, le goût, l’amour, qui sont toutes en rapport à peu près de la même manière, d’une part avec certains mêmes nerfs sensitifs à peu près également excitables, d’autre part avec les mêmes appareils musculaires auxquels elles communiquent des mouvements synergiques. Ce qui est amer pour l’homme est amer pour le chien, le lapin, l’oiseau. Les bruits soudains et inattendus provoquent la frayeur et le clignement chez presque tous les animaux. Surtout les phénomènes de douleur sont, dans toute la série animale, provoqués par une seule et unique cause, l’excitation intense et prolongée des nerfs de sensibilité générale.

La science est bien loin de pouvoir expliquer par la constitution même des cellules nerveuses pourquoi tel ou tel excitant provoque telle ou telle émotion. On peut même dire que nous ne savons rien,