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RICHET.les réflexes psychiques

absolument rien, à cet égard. Mais il est nécessaire de supposer qu’il y a une relation entre la destination de l’animal et les émotions attractives ou répulsives que lui inspirent les forces extérieures environnantes. Il semble que les êtres vivants soient organisés pour vivre et pour se reproduire ; et que leurs réflexes — psychiques ou autres — soient conformes à leur destination. La loi de la sélection naturelle, que Darwin a admirablement mise en lumière, permet de comprendre comment, par la concurrence vitale et l’hérédité, les réflexes utiles à la vie des animaux ont été acquis par eux de manière à faire partie intégrante de leur organisation anatomo-physiologique. La strychnine et la quinine, qui sont amères, sont des poisons ; le lait et la viande, qui sont des aliments, sont agréables au goût. Les brûlures, qui détruisent nos tissus, nous font souffrir. Les bruits soudains nous effrayent et nous avertissent d’un danger inconnu. L’attraction irrésistible du mâle pour la femelle et celle de la femelle pour le mâle assurent la perpétuité de l’espèce. Il y a, en un mot, une nécessité vitale qui paraît être la raison d’être de toutes les émotions et des réflexes qu’elles provoquent.

Quoi qu’il en soit, toute explication immédiate étant impossible, on est forcé d’admettre que la cause de ces divers réflexes est dans l’organisation de l’animal. Aussi pouvons-nous les appeler réflexes psychiques d’organisation.

Mais, si l’animal est doué de mémoire, ces réflexes psychiques prendront une complication prodigieuse. En effet l’animal, tout en conservant ces réflexes d’organisation, en aura acquis d’autres, qui seront différents des premiers et nouveaux, qui ne seront plus seulement en rapport avec l’organisation héréditaire de l’animal, mais encore avec ses souvenirs, et avec les acquisitions spéciales de sa mémoire. Le phénomène émotion ne sera plus, pour tel ou tel excitant, général à tous les êtres de même espèce ; il sera spécial à tel ou tel individu de cette espèce, par suite d’une association d’idées acquise par lui dans le cours de sa vie. Ce sont ces réflexes que je proposerais d’appeler réflexes d’acquisition ou individuels, par opposition avec les autres réflexes psychiques qui sont réflexes d’organisation et génériques.

Assurément la mémoire ne peut pas créer de nouvelles émotions, ni changer de fond en comble la réponse motrice consécutive à telle ou telle émotion. Mais elle peut établir des relations imprévues entre tel excitant et telle émotion. Déjà, dans les reflexes psychiques d’organisation, le rapport était assez imprévu, établi seulement par la destination biologique de l’animal, non par l’intensité