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RICHET.les réflexes psychiques

sieurs fois la vue d’un fouet (S′ B′) s’est trouvée associée à la correction (SB), il suffira de la vue du fouet pour faire naitre l’émotion D, par suite de la relation par association qui s’établit entre B′ (la vue du fouet) et B (le châtiment).

Les réflexes psychiques les plus compliqués de l’homme peuvent se ramener à cette forme relativement simple. Les souvenirs et associations d’idées font que certains excitants deviennent efficaces à produire l’émotion, quand par eux-mêmes ils ne signifient rien pour l’être sans mémoire. Le langage, c’est-à-dire, au point de vue qui nous occupe, l’influence des mots sur les idées et sur les sentiments, fait que chez l’homme presque toujours les émotions et les réflexes émotifs sont des phénomènes réflexes d’acquisition. Il est facile de comprendre comment, plus la mémoire se développe, plus la complication devient grande, indéfinie pour ainsi dire.

On peut dire que ces réflexes psychiques d’acquisition sont des réflexes intelligents : car ils sont propres non à l’espèce, mais à l’individu. Ils dépendent de sa mémoire plus ou moins puissante, et de la faculté d’association et de généralisation des idées antérieures et des souvenirs. Mais, quoique ces phénomènes soient intelligents, ils n’en sont pas moins mécaniques ; car la volonté semble n’y jouer aucun rôle, et leur production, quelque compliquée qu’elle soit, est fatale autant que le réflexe le plus simple.

D’ailleurs, entre un réflexe psychique d’organisation, même très simple, et un réflexe psychique, même très compliqué, d’acquisition, toutes les transitions s’observent. Ainsi un bruit soudain fait fermer la paupière et tressaillir (si le bruit est inattendu, strident, et si l’individu est émotif). Mais tout ce qui éveillera en nous l’idée d’un danger pourra nous faire de même tressaillir. Si le soldat, dans une bataille, entend une balle siffler près de sa tête, il baisse la tête et tremble, ce petit bruit ayant acquis une valeur spéciale, par suite de sa signification non douteuse, quand elle est perçue par un être intelligent. L’aéronaute pâlira et tremblera de frayeur s’il entend se déchirer le tissu de son aérostat. C’est un bruit insignifiant, qui a, dans ce cas spécial, pris une colossale importance : car l’aéronaute qui l’entend sait que ce bruit signifie une chute épouvantable imminente. On voit par ces exemples que l’acte réflexe, qui est le phénomène nerveux élémentaire, peut acquérir graduellement une prodigieuse complication.

Il y a donc des réflexes psychiques d’instinct (réflexes génériques ou d’organisation) et des réflexes psychiques d’intelligence (réflexes individuels ou d’acquisition).