Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
PAULHAN.l’associationnisme et la synthèse psychique

encore, parce qu’il n’y a pas de personnalité parfaite et que nous sommes tous incomplètement unifiés ; mais il arrive souvent, et dans la plupart des cas, que ce que l’esprit fait n’est pas fait absolument en vain, je veux dire que les phénomènes psychiques qui se manifestent en nous, se rattachent généralement à un système de phénomènes et de tendances. Et même ce que l’esprit fait en vain porte toujours en soi les traces d’une harmonie particulière ; seulement cette harmonie particulière ne concorde pas avec l’harmonie de l’ensemble, comme cela arriverait par exemple si pendant qu’un orchestre entier donne un accord parfait de fa, deux instruments faisaient entendre deux notes de l’accord parfait de mi. La cause en est non pas dans le jeu des lois de l’association, mais dans ce simple fait que l’esprit est l’expression d’un organisme et que tout organisme suppose une certaine organisation, si rudimentaire soit-elle. L’organisation suppose forcément un système d’actions et de réactions qui permettent à l’être de vivre, de s’adapter à son milieu, et d’adapter son milieu à lui. L’esprit dépendant de l’organisme ne peut qu’être à quelque degré organisé, c’est-à-dire qu’il doit a priori offrir des traces d’une loi de finalité. Et si l’on voulait expliquer cette finalité, à supposer que cela soit possible, ce n’est pas dans les propriétés associatives des phénomènes de conscience qu’on trouverait une explication, ce serait plutôt dans les propriétés de la matière qui auraient permis la génération spontanée, ou la formation lente d’un premier organisme.

J’ai donné des raisons générales pour que la loi de finalité fût irréductible aux lois de contiguïté et de ressemblance ; alors même que cette loi de finalité ne se manifesterait que par des associations de faits contigus ou semblables, elle se distinguerait encore des autres lois et devrait être posée à part, car elle seule permet d’exprimer au point de vue synthétique l’ensemble des lois de l’esprit. Mais il ne semble pas que la loi de systématisation se borne à régler le fonctionnement des lois d’association, elle paraît quelquefois agir contre elles et détermine sans leur intervention l’apparition de certains phénomènes. Le mécanisme mental qui pousse par exemple un écrivain à ne pas trop souvent répéter le même mot à des intervalles rapprochés pour répéter une même chose, me semble être un cas de ce fait. Ici la contiguïté et la similarité paraissent agir dans le même sens pour faire répéter le mot. Je ne vois que le désir d’écrire avec une certaine élégance qui s’oppose à ce qu’ils réussissent. Sans doute on peut dire que l’exemple des écrivains qui ont déjà agi de la même manière peut par similarité exercer une influence sur l’homme qui tient la plume, mais je