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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Paul Regnaud. Origine et philosophie du langage, ou principes de linguistique indo-européenne. (Paris, Fischbacher, 1888, in-18, XIX-443 pages.)

En aurions-nous fini avec les prétentions, pour le moins excessives, de certaine école critique ? Et serait-il vrai que tous les grammairiens, en France et à l’étranger, ne trouvent plus de leur goût la proscription radicale, par les linguistes, de questions qui pourtant intéressent le langage, puisqu’elles portent sur ses origines et sur les premières formes de son développement ? Il est permis de le croire, après la publication récente et presque simultanée de deux importants ouvrages qui mettent ce problème au premier plan : The science of Thought, de M. Max Müller (Londres, 1887[1]), et surtout le beau livre sur l’Origine du langage, de M. Paul Regnaud, professeur de sanskrit et de grammaire comparée à la Faculté des Lettres de Lyon. Et qu’on ne parle point ici de philosophes égarés, une fois de plus, dans un domaine qui leur est, comme tant d’autres, étranger : nous avons devant nous des linguistes de profession, épris de leur science, et tout aussi jaloux qu’on puisse l’être de son exactitude et de sa rigueur. Le livre de M. Regnaud est tiré d’un Mémoire couronné par l’Académie des Sciences morales et politiques, qui ne lui a point ménagé les plus flatteurs et les plus légitimes éloges ; mais la doctrine qu’il expose, si sûre d’elle-même et si approfondie, n’est point due aux hasards d’une question de concours ; elle est le résultat d’une longue et minutieuse étude, d’une science positive des faits et des lois linguistiques, et l’auteur en avait déjà développé les preuves principales dans ses Essais de linguistique évolutionniste. C’est donc chez lui une conviction arrêtée qu’il existe un problème de l’origine du langage, et qu’il est permis, qu’il importe même de l’aborder parfois et de le traiter à fond. Problème philosophique ? c’est une autre affaire, et c’est à quoi nous contredirons ; une question d’origine, après tout, n’est pas nécessairement une question de philosophie ou de métaphysique, ce qui est tout un : et c’est sans doute par une méfiance spéciale de la métaphysique, que la Société de Linguistique de Paris, dans l’article 2 de ses Statuts, avait banni d’avance toute communication concernant l’origine

  1. Il en a été rendu compte dans la Revue, numéro de janvier 1888.