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bâillons ; il me paraît bien clair qu’une loi de contiguïté ou de resblance des phénomènes ne peut expliquer cela. Quand une idée suscite un acte, où est la similarité et où est la contiguïté ? Pourquoi l’idée de remuer mon bras s’associe-t-elle au mouvement de mon bras, et non au mouvement de ma jambe ? Si l’on peut l’expliquer chez les adultes par l’habitude, il est difficile de donner la même explication pour les enfants. Comment expliquer aussi les associations chez l’enfant, par exemple du besoin de manger et de l’acte de crier, au moyen de la contiguïté et de la ressemblance ? comment expliquer même le premier cri du nouveau-né qui résulte évidemment d’une synthèse assez complexe déjà ? Évidemment il faut avoir recours à l’action du système nerveux, c’est-à-dire à l’organisation.

Les lois de la contiguïté et de la ressemblance sont totalement incapables de nous dire pourquoi nous mangeons quand nous avons faim et buvons quand nous avons soif. Il s’agit ici visiblement d’une coordination d’impressions, de volitions de mouvements dont le résultat harmonique est la conservation de l’organisme. Il n’y a pas trace de contiguïté ou de ressemblance en cela, à moins qu’on ne veuille voir l’association par ressemblance dans ce fait que des circonstances semblables amènent des processus psychiques semblables. Par exemple tel état de l’organisme amène la sensation de soif parce qu’il ressemble à tel état qui l’a déjà amenée. Il vaudrait autant ramener à des associations par ressemblance et contiguïté le mécanisme d’une machine à vapeur ; la chaleur qui chauffe l’eau de la chaudière ressemble à celle qui l’a chauffée déjà, les effets de la vaporisation se ressemblent aussi, et l’un appelle l’autre selon la loi de contiguïté, ils se suivent toujours dans le même ordre. Je pense que personne ne trouverait un intérêt quelconque dans cette manière de grouper les faits.

De ce qui précède, il ressort que les associations par contiguïté et ressemblance sont sous la dépendance d’une organisation préétablie, c’est-à-dire qu’elles se conforment à une loi de finalité. Il y a cependant un certain domaine dans la psychologie qu’on leur abandonne presque, en général assez volontiers. Je veux parler des conceptions délirantes, des imaginations des fous, des rêves et des rêveries. Ici le lien logique de l’esprit semble s’être dissous, et la forme systématisée de l’enchaînement des phénomènes psychiques parait avoir complètement disparu. On dirait par conséquent que les lois de l’association peuvent régner à leur aise et sans qu’aucun principe supérieur les domine et en règle les manifestations. Il me semble qu’à approfondir les choses, on voit qu’il n’en est pas ainsi, seulement les phé-