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teur insiste sur toutes les qualités des animaux, l’amour maternel très vif chez beaucoup de femelles, la pitié, la compassion, la charité que montrent parfois les fourmis, les vertus sociales des fourmis et des abeilles, le sentiment du devoir que l’on peut rencontrer chez les singes, etc. Si d’ailleurs l’animal n’est pas parfait, l’homme ne l’est pas non plus, l’évolution morale commencée chez les animaux se poursuit chez l’homme et n’est pas encore terminée. « Dans notre espèce, dit M. Vianna de Lima, la morale longtemps irraisonnée et toute rudimentaire, souvent inique à notre point de vue actuel, — a fini par se corriger et s’épurer graduellement dans sa lente évolution. Toujours, cependant, l’on constate, en y regardant de plus près, qu’elle est et a été toute relative et qu’elle dérive directement de la notion de l’utile plus ou moins compris, ou de l’idée de réciprocité ; l’arbitraire en est ainsi exclu ; ses lois sont déterminées. »

Le chapitre troisième a pour titre « l’Évolution du langage » ; ici aussi l’auteur rapproche les facultés de l’homme et les facultés de l’animal. « La parole a été un développement progressif du langage animal qui, lui aussi, est expressif, mais comparativement bien imparfait… L’adaptation à la station verticale permanente a été indirectement le promoteur essentiel de cette lente évolution dans laquelle le cerveau, le larynx et l’ouïe ont naturellement marché de pair… C’est seulement avec l’attitude constamment redressée que la parole a pu naitre, car ce n’est qu’alors, ainsi que l’a su très bien démontrer le docteur G. Jœger, que le mécanisme respiratoire a trouvé l’indépendance nécessaire au libre exercice de sa fonction supplémentaire. » Comme élément primitif du langage vocal l’auteur accepte l’interjection et l’onomatopée. Il étudie ensuite l’évolution du langage, le passage des langues isolantes aux langues agglutinantes et aux langues à flexion et le développement des termes abstraits. Il reste à étudier la religiosité. C’est l’objet du dernier chapitre. « Le sentiment religieux, dit l’auteur, loin d’être une faculté primitive et distincte de l’homme, inhérente à sa nature, ne correspond purement qu’à un état transitoire qui n’est même pas nécessaire et universel ; il est beaucoup de peuplades qui n’ont point atteint ce stade ; des groupes importants au sein des nations cultivées l’ont dépassé, et d’autres groupes, enfin, dans leur évolution, n’ont pas eu à le traverser. » M. Vianna de Lima trouve la cause de la religion dans l’animisme, la personnification des forces de la nature, la croyance aux esprits. — Le volume se termine par un appendice contenant quelques notes intéressantes sur la signification atavique de certaines tendances perverses, les formes zoologiques du cérémonial, etc.

L’ouvrage de M. Vianna de Lima est en somme un bon exposé, intéressant, très clair, bien composé, des principaux arguments à l’appui de la théorie transformiste. Les faits y sont nombreux et les considérations générales se détachent nettement. Il ne s’y trouve rien de bien nouveau ni comme faits, ni comme doctrine, mais l’intention de l’auteur était sans doute non de faire une œuvre originale, mais de